Au terme d’une longue procédure, l’Association des fruits et légumes du Lot-et-Garonne (AIFLG) fait entrer son produit vedette dans la catégorie des produits de qualité supérieure.
Olivier Sorondo – 28 juin 2023 – Dernière MAJ : le 28 juin 2023 à 17 h 09 min
Les tomates de Marmande entrent dans la cour des produits réputés.
La reconnaissance de la qualité… Enfin
Le champagne a dû couler à flots ces dernières semaines chez les producteurs marmandais. Le mois dernier, l’INAO (Institut national de l’origine et de la qualité) enregistrait officiellement la tomate de Marmande dans sa liste des produits estampillés Label Rouge. Ce n’est pas rien. Pour rappel, « Le Label Rouge est un signe national qui désigne des produits qui, par leurs conditions de production ou de fabrication, ont un niveau de qualité́ supérieur par rapport aux autres produits similaires habituellement commercialises. La qualité́, dans ce cas, se rapporte à l’ensemble des propriétés et des caractéristiques d’un produit, et lui confère son aptitude à satisfaire des besoins implicites ou explicites. »
Si la tomate de Marmande jouit d’une belle réputation depuis déjà quelques décennies, elle ne bénéficiait pour autant d’aucune reconnaissance officielle. Pourtant, sa culture répond à un cahier des charges exigeant, imposant par exemple un mode de culture traditionnel en pleine terre, un désherbage manuel ou une récolte sans le recours aux outils.
Soucieux de cette recherche de qualité, l’AIFLG avait initié en 2020 la marque collective « Tomate de Marmande » pour la distinguer des autres produits, souvent issus d’usines végétales en Espagne, et insister sur la production locale.
L’attribution du Label Rouge viendra sans nul doute renforcer les démarches des producteurs marmandais, et leur offrira même une publicité autrement plus large.
En route vers l’IGP
La reconnaissance officielle d’un bon produit est un chemin de croix. Ainsi, l’obtention du Label Rouge a nécessité la rédaction d’une trentaine de versions du cahier des charges et plus de cinq ans de procédures.
Les producteurs devront désormais s’engager dans une démarche rigoureuse, qui prévoit par exemple un engagement de réduction des émissions de CO², un respect des critères gustatifs (jutosité, niveau de sucre…), l’interdiction de recours à la lumière artificielle.
Mais ces contraintes s’imposent au service de la qualité du produit final. « Pour le consommateur, c’est la garantie d’une tomate qui a du goût » explique Sophie Thill, responsable marketing chez Paysans de Rougeline, citée par France Info.
Aujourd’hui, seuls quatre segments de tomates (cerise vrac, cerise grappe, ronde grappe et allongée cœur) et trois variétés (Sao Polo, Temptation et Gourmandia) peuvent afficher le logo Label Rouge. Il contribuera, sans nul doute, à rassurer les consommateurs et à amplifier les ventes. La tomate s’invite parmi les vingt fruits et légumes déjà détenteurs du précieux label.
Il n’est pourtant pas question, pour l’AIFLG, de s’arrêter en si bon chemin. Le prochain objectif consiste à obtenir l’IGP (Indication géographique protégée), qui nécessitera, une nouvelle fois, une interminable procédure et des nerfs d’acier, d’autant que la reconnaissance doit aussi être européenne. Mais à cœur vaillant, rien d’impossible. Persuadés de la qualité incomparable de leur tomate, les producteurs marmandais continuent de livrer la bataille du goût.
Conjoncture difficile pour les viticulteurs bordelais
Un tiers d’entre eux subit des difficultés financières et un quart envisage d’abandonner son activité.
Olivier Sorondo – 24 janvier 2023 – Dernière MAJ : le 24 janvier 2023 à 16 h 58 min
Pertes de revenus, arrachage des vignes… Le vignoble de Bordeaux traverse une crise profonde – Crédit photo Sergey Nemo from Pixabay
Une situation qui se dégrade puis 2018
La manifestation organisée le 6 décembre dernier a sûrement symbolisé l’exaspération des viticulteurs de Gironde. Plus d’un millier d’entre eux se sont retrouvés à Bordeaux pour crier leurs revendications et attirer l’attention sur la crise à laquelle ils sont confrontés depuis quelques années.
Le constat n’est guère réjouissant pour la viticulture bordelaise, pourtant fer-de-lance de l’économie locale. Sur les 4 000 vignerons, plus de 1 300 se déclarent en difficulté financière. « Sur l’exercice 2021, 70 % des exploitations agricoles girondines (à 80 % viticoles) ne gagnent pas le Smic, et 1/3 du total ont un revenu négatif » explique Philippe Abadie, directeur du Pôle Entreprises de la Chambre d’agriculture, au micro de BFM TV (22/01/2023).
Depuis 2018, la situation n’a cessé de se dégrader, en raison notamment de la baisse de la consommation, de la hausse des coûts ou du réchauffement climatique. La crise Covid est venue jeter de l’huile sur le feu, en fermant tout ou partie le marché chinois. Aujourd’hui, les vins se vendent en dessous des coûts de production.
Consciente du problème, la Chambre d’agriculture a lancé une vaste étude auprès des acteurs de la filière. Pour sa part, la préfecture a mis en place une cellule de crise, qui réunira les représentants de l’État, de la Région, du Département, des banques et des organisations professionnelles.
Arrachage de la vigne et diversification
Pour les viticulteurs, la première amorce de solution passe par l’arrachage subventionné. Au regard de la baisse de la consommation, il ne s’avère plus opportun d’assurer la gestion de vignobles trop importants. « Il faut réduire la voilure, produire moins tout en gardant de la compétitivité » estime Dominique Guignard, Président l’AOC Graves, cité par le site Vitisphère (06/12/22).
Cet arrachage attendu de la part des vignerons devrait couvrir 15 000 hectares, pour un coût estimé à 150 M€. Selon les services de l’État, cette aide financière n’est pas envisageable. Les différentes pistes de solution doivent être trouvées à l’échelle régionale.
Les professionnels attendent également le déclenchement d’un véritable plan social, permettant de reconnaître leur situation et de venir en aide aux plus précaires.
La pérennité de l’activité agricole en Gironde se trouve peut-être dans la diversification. Les espaces laissés libres après l’arrachage pourraient accueillir de nouvelles cultures, comme celles des oliviers et des noisetiers. Les réunions organisées par la Chambre d’agriculture sur la diversification commencent d’ailleurs à attirer les viticulteurs.
Ces derniers misent aussi sur le développement de l’œnotourisme et de l’agritourisme, à même de générer des ressources supplémentaires dans un département très fréquenté pendant les vacances.
C’est probablement un combat à long terme qui s’engage, synonyme d’adaptation au marché et au réchauffement climatique. C’est aussi un enjeu pour la nouvelle génération, alors qu’un viticulteur sur deux est aujourd’hui en droit de prendre sa retraite.
Malgré les confinements et couvre-feux successifs, le Comité régional de Tourisme de Nouvelle-Aquitaine se met en ordre de bataille pour séduire les vacanciers provinciaux et franciliens.
Olivier Sorondo – 3 avril 2021 – Dernière MAJ : le 24 avril 2021 à 14 h 46 min
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C’est en vallée d’Ossau que tout commença…
Ce climat montagnard, les bergers de la vallée d’Ossau le subissent depuis des siècles. « Les bergers partaient en estive avec leurs moutons, qui fournissaient la laine nécessaire à la fabrication de ce couvre-chef. Il ne fallait pas attraper froid. Et leurs guêtres ne protégeaient pas la tête » précise Évelyne Bétachet, chapelière à Bayonne, au journal Sud-Ouest (17/08/2017).
C’est sur la vaste plaine sablonneuse des Landes de Gascogne que l’asperge blanche est récoltée depuis le début du 20e siècle. Elle a su s’imposer au fil des décennies comme un produit apprécié, mêlant douceur et saveur, loin de toute amertume.
Olivier Sorondo 17 avril 2023 – Dernière MAJ : le 17 avril 2023 à 18 h 30 min
S’il est d’usage de contempler les bourgeons des branches d’arbres pour constater l’arrivée du printemps, les gourmets du Sud-Ouest ont plutôt tendance à scruter les sols sableux, dans l’espoir d’y voir émerger la pointe de l’asperge des sables des Landes.
Dès la mi-mars, l’asperge annonce précocement la promesse de nouvelles saveurs après un hiver long et parfois frustrant. Il faut quand même avouer qu’elle est attendue, sa réputation ayant dépassé depuis bien longtemps le seul département des Landes.
Selon l’INAO (Institut national de l’origine et de la qualité), une enquête menée en 1997 a montré que les acheteurs professionnels classent l’asperge des sables des Landes à la deuxième, voire la première place, en termes de qualité. Le légume est même consommé en Europe, notamment en Allemagne et au Luxembourg.
Les producteurs, soucieux de cette richesse, apportent le plus grand soin à sa culture et à sa récolte. Ils profitent en premier lieu d’un terroir favorable, composé par les sables fauves, au sein des Landes de Gascogne. Le sol, perméable et profond, se révèle riche en matière organique et peu argileux. Il offre aussi la chaleur dont a besoin l’asperge pour se développer et arriver à maturité avant même le début officiel du printemps.
Les conditions climatiques jouent également en faveur du légume, grâce à l’influence régionale océanique, synonyme d’un air tempéré humide. Les températures restent clémentes et les pluies se font abondantes avant que la chaleur printanière ne s’impose. Le massif forestier, pour sa part, contribue à maintenir ces conditions très favorables.
Aujourd’hui, 850 hectares sableux accueillent la production de l’asperge, faisant des Landes le premier département producteur de France. Les premières cultures, lancées au début du 20e siècle pour combler l’abandon progressif du gemmage, ont permis d’installer au fil des décennies un véritable savoir-faire, aujourd’hui reconnu.
Une course contre la montre
L’asperge des sables des landes se caractérise par sa tige (ou turion) rectiligne, droite et cassante, mais jamais filandreuse, que vient terminer une pointe formée de petits bourgeons serrés. Surtout, le légume, bien protégé du soleil dans le sable, conserve une blancheur éclatante, qui participe à sa réputation.
La récolte, effectuée manuellement, impose d’infinies précautions, mais aussi un timing serré. Il convient tout d’abord de protéger l’asperge du soleil pour ne pas altérer sa couleur et ensuite de la conditionner dans un espace frais pour préserver sa fraîcheur et ses qualités gustatives. L’opération est généralement menée en moins de 4 heures.
Depuis 2005, l’asperge des sables des Landes bénéficie d’une IGP (Indication géographique Protégée). Elle garantit aux consommateurs son origine et sa traçabilité jusqu’aux distributeurs. C’est aussi et surtout la reconnaissance d’un produit de terroir haut de gamme et du travail des 160 asparagiculteurs, soumis à un cahier des charges contraignant.
Persuadée de la qualité de son produit, l’association des producteurs d’asperges a initié les démarches pour obtenir l’agrément Label Rouge. Aujourd’hui, seuls quatre produits landais bénéficient du précieux sésame : le bœuf de Chalosse, le canard fermier, le kiwi de l’Adour et les volailles fermières.
En attendant, la récolte se poursuit jusqu’au mois de mai, toujours effectuée à la main dans le respect de la tradition et le souci de ne pas abîmer l’asperge, réputée fragile.
La suavité de son goût
Les gastronomes et chefs cuisiniers attendent l’asperge des Landes avec impatience parce qu’elle annonce, avec un peu d’avance, l’arrivée du printemps, mais surtout pour sa fraîcheur et son goût savoureux. À la différence des autres asperges, elle ne dégage aucune amertume et sa tige n’est jamais filandreuse.
C’est aussi un aliment synonyme de santé. Ses provitamines A, ses vitamines B9, C et E et ses sels minéraux contribuent au renouvellement des cellules alors que ses fibres assurent une bonne régularité du transit intestinal. Elle favorise enfin l’équilibre de l’alimentation en ne proposant que 25 kilocalories.
Apprécier l’asperge des sables des Landes à sa juste valeur suppose de la consommer rapidement, même si elle peut être conservée de trois à cinq jours au réfrigérateur.
Il existe de nombreuses façons de la préparer et de la cuisiner. La plus simple et, peut-être, la plus respectueuse, consiste à la consommer crue, avoir l’avoir pelée et découpée en très fines tranches dans sa longueur. Un petit filet d’huile d’olive et quelques grains de sel et de poivre moulu suffisent à la rendre unique en bouche.
Une entrée gourmande et diététique – Crédit photo : Patrick Janicek – Flickr
La préparer comme on le souhaite
En cuisine, l’asperge peut être cuite plongée dans l’eau bouillante salée, mais sa fragilité justifie l’utilisation de certains faitouts, remplis aux deux tiers d’eau bouillante, permettant ainsi à la pointe de rester hors de l’eau tout en profitant de la vapeur. Sinon, une cuisson à la vapeur convient tout à fait.
Les asperges peuvent être dégustées de mille et une façons. En entrées, assaisonnées d’une vinaigrette maison ou d’une sauce émulsionnée, elles accompagnent à merveille un œuf poché ou une tranche de jambon de pays. Elles se révèlent particulièrement adaptées à la préparation d’un velouté ou peuvent être poêlées avec différents champignons. Ce sont aussi des éléments de garniture fins et goûteux, que l’on sert avec une volaille ou un filet de poisson.
Un produit aussi apprécié méritait bien un hommage appuyé. Chaque année, le 1er mai, la commune de Pontonx-sur-Adour organise la grande fête de l’asperge des sables des Landes. Une occasion unique de rencontrer les producteurs, de profiter de la foire et, bien sûr, de rassasier sa gourmandise.
Si l’origine véritable du béret suscite encore quelques agacements ou rivalités chez les Basques et les Béarnais, la production de fromages, dont l’Ossau-Iraty, revendique une certaine fraternité pyrénéenne.
Le greuil (ou breuil au Pays basque) illustre fort bien cette culture pastorale commune. Tiré du mot béarnais « grulh », qui signifie « grumeau », il s’agit d’un fromage dit de seconde catégorie, car préparé sur la base de petit-lait récupéré après la fabrication des tommes traditionnelles de brebis.
Aussi appelé lactosérum, le petit-lait s’obtient par coagulation après ajout de présure ou de ferment. Il constitue une matière riche en protéines et sage en gras.
La fabrication du greuil passe d’abord par le chauffage du petit lait dans un chaudron, jusqu’à la formation d’une mousse blanche qui précède l’ébullition, signe que les protéines se sont agglomérées avant de remonter à la surface. L’étape suivante consiste à couper la chauffe et à récupérer les grains de caillé au moyen d’une écumoire. Ils sont ensuite placés dans une toile ou une faisselle pour faciliter l’égouttage et permettre le refroidissement.
Le greuil est né ! C’est un fromage frais, granuleux, onctueux, garanti sans colorant, conservateur ou additif. Il convient néanmoins de le consommer rapidement, car le fromage, fragile, se conserve peu de temps à une température n’excédant pas les 6°C. C’est la raison pour laquelle il est essentiellement vendu sur les marchés basco-béarnais, loin de toute distribution commerciale d’envergure.
Enfin, il convient de préciser que le greuil dépend des saisons de lactation des brebis, de décembre aux prémices de l’été.
Le plaisir gourmand et diététique
Particulièrement apprécié, le greuil se déguste de mille façons. Les puristes le préfèreront brut, juste étalé sur une tranche de pain de campagne ou à la petite cuillère, avec un peu de ciboulette. Mais le fromage se prête aussi bien aux préparations salées que sucrées. Il peut ainsi entrer dans la composition de lasagnes aux épinards, être émietté dans une soupe, enrichir la garniture d’une pizza. Plus simplement, le greuil s’apprécie avec du sucre en poudre, des fraises, du miel ou encore de la confiture. Dans les estives, les bergers le consomment avec du café fort et un soupçon d’armagnac.
Crédit photo : Association des Eleveurs et Transhumants des 3 Vallées Béarnaises
Outre ses arguments gustatifs, le fromage local peut se targuer de ses vertus diététiques grâce à son absence de lipides et sa richesse en protéines. Elles affichent en effet une composition remarquable en acides aminés, en minéraux (phosphore, calcium) et en vitamines, dans la précieuse B6.
Le greuil permettrait ainsi de renforcer la synthèse de la masse musculaire, de stimuler les défenses immunitaires et de reconstruire les fibres musculaires. Surtout, il s’impose comme un allié fiable des programmes de régimes en raison de sa faible teneur en matières grasses. Parfait pour caler une petite faim et rester éloigné des tentations industrielles sucrées.
L’engouement suscité par le greuil a d’ailleurs incité deux amies, Marie Barbé-Chouanneau et Aurélie Holley, à lancer leur entreprise, Grulh’Co. Chaque matin, les deux jeunes femmes se rendent chez les producteurs fermiers de la vallée d’Ossau pour y récupérer le petit-lait. Grâce à leur fromagerie mobile, elles procèdent immédiatement à la transformation et au conditionnement en raison de la fragilité du produit, susceptible de s’acidifier dans des délais très courts. Les pots de greuil sont ensuite vendus, notamment auprès des cantines scolaires et des EHPAD.
En Gironde, la fête du bœuf gras se tient depuis le Moyen-Âge. Elle vise bien sûr à respecter la tradition, mais cherche aussi à promouvoir une viande particulièrement recherchée par les gastronomes.
Olivier Sorondo 14 janvier 2023 – Dernière MAJ : le 16 janvier 2023 à 17 h 47 min
C’est le grand jour pour les bœufs gras de Bazas, en Gironde – Crédit photo : Lesley – Flick
Le premier défilé des bœufs remonte au 13e siècle
Située à une grosse soixantaine de kilomètres au sud-est de Bordeaux, la petite commune de Bazas pourrait très bien se confondre parmi les nombreux villages alentour. Elle se démarque pourtant en s’appuyant sur son histoire et l’excellence de sa production bovine. Le bœuf de Bazas jouit en effet d’une excellente réputation, au-delà des limites départementales, auprès des amateurs de bonne chère, qui saluent son onctuosité et son petit goût de noisette.
Il est vrai que les bœufs locaux font l’objet de toutes les attentions, à tel point qu’une fête leur est consacrée chaque année au moment du carnaval. La tradition s’est construite au fil des siècles à partir de 1283, date de leur premier défilé dans les rues du village.
Au Moyen-Âge, de nombreuses villes du royaume de France fêtent le carnaval en organisant des promenades de bétail, comme un pied de nez avant le Mardi Gras, qui introduit le carême et donc l’interdiction de consommer de la viande.
À Bazas, les bouchers obtiennent d’Édouard Ier, duc d’Aquitaine, le privilège de faire défiler leurs bœufs le Jeudi gras, en remerciement du taureau qu’ils offrent chaque année au clergé pour la Saint-Jean. C’est l’occasion d’organiser une grande fête villageoise et de lancer une tradition appelée à traverser les siècles.
Si les défilés finissent par tomber en désuétude à la moitié du 20e siècle dans bon nombre de cités, l’investissement du maire de Bazas en 1945 permet à celui de sa commune de perdurer. Son action est surtout motivée par la constatation que la race bazadaise, destinée au labour, est menacée de disparition. Il convient donc de l’orienter vers une race à viande et de le faire savoir.
L’argument de la qualité
Détenteur du Label Rouge depuis 1997 et de l’IGP depuis 2008, le bœuf de Bazas affiche un CV solide auprès des consommateurs. Il convient toutefois de préciser que ces labels ne se limitent pas à la seule race bazadaise. Ils englobent également la blonde d’Aquitaine et la limousine et autorisent par conséquent les races bovines métissées. Il n’en demeure pas moins que la bazadaise reste la plus emblématique et constitue l’intérêt central de la fête organisée chaque année en février.
Le bœuf de Bazas est reconnaissable grâce à sa robe grise et à sa puissante morphologie. Longtemps utilisé dans les champs pour sa force de traction, il subit, à partir de la seconde moitié du 20e siècle, la concurrence des engins mécaniques.
La bazadaise, remise au goût du jour, si l’on peut dire – Crédit photo : Georges-Adrien Carcanis – Flickr
L’espèce n’étant pas réputée bonne laitière, elle semble se diriger inexorablement vers une quasi-disparition.
Le salut vient de la qualité et de la spécificité de sa viande, au goût persillé et subtil. Dès lors, les producteurs s’impliquent dans un élevage attentif et rigoureux, à même d’améliorer et de pérenniser la saveur de leur race locale. Leur travail est récompensé par l’obtention des deux labels.
Le cahier des charges impose quelques contraintes. Les animaux doivent être nés, élevés et engraissés dans un périmètre bien défini. Les veaux sont d’abord nourris au pis de leur mère puis profitent ensuite d’un fourrage garanti sans OGM, produit sur place.
L’élevage dit extensif garantit une surface d’un hectare par vache. L’engraissement des bœufs, à base de céréales, est planifié en fonction de la célèbre fête, organisée le jeudi précédant Mardi Gras. Ils peuvent ainsi atteindre un poids compris entre 800 kg et une tonne.
Afin de sublimer son goût, la viande est maturée une dizaine de jours, le temps nécessaire au gras pour envelopper les fibres musculaires et assurer une parfaite onctuosité.
Reconnaissable grâce à sa jolie couleur rouge, la viande se prête à des multiples modes de cuisson et de préparation, aussi goûteuse grillée que braisée.
Vive les bœufs gras de Bazas !
Les efforts consentis par les éleveurs tout au long de l’année méritent bien une récompense. Elle prend la forme de la célèbre fête de Bazas, dont l’organisation semble immuable.
Six jours avant la festivité, les bœufs sélectionnés sont placés au repos et brossés au quotidien. L’opération vise à les relaxer, préparer leur belle apparence et permettre à la graisse de pénétrer dans le muscle.
Le jour de la fête commence tôt pour les éleveurs, qui pratiquent une toilette soignée afin que leur animal puisse attirer l’œil du jury et du public.
Les bœufs sont ensuite escortés par les jeunes du village revêtus de leur tenue folklorique jusqu’à la place des Tilleuls, où les animaux sont pesés.
En tout début d’après-midi, le célèbre défilé des bœufs gras de Bazas peut commencer ! À travers les rues de la commune, les animaux, couronnés de fleurs, jouent les vedettes parmi les chars décorés et les groupes musicaux qui les accompagnent. C’est l’occasion pour les ripatauleras (fifres) de jouer un rigaudon devant chaque boucherie du parcours.
Juste avant le concours du plus beau bœuf gras – Crédit photo: Ministère de la Culture
Arrivés à destination, place de la Cathédrale, les bœufs gras reçoivent la bénédiction du prêtre puis sont soumis à l’examen minutieux du jury, composé d’une douzaine de professionnels. Ces derniers finissent par attribuer trois prix : la conformité aux critères de race, les meilleures aptitudes bouchères, la musculation la plus prononcée.
Après l’annonce des résultats et la remise des trophées, les animaux sont menés à l’abattoir de Bazas, alors que les musiciens entament « La Mort du Bœuf », comme un dernier hommage.
En toute fin d’après-midi, la Confrérie Bazadaise du Bœuf intronise diverses personnalités issues du monde de la gastronomie et de l’élevage.
La fête se poursuit et se termine autour de la table lors la « grande soirée du bœuf ». Les convives peuvent enfin se régaler du bœuf gras de Bazas et de sa saveur exceptionnelle.
Menacés de disparition dans les années 1950, les vins de l’appellation Rosette, en terres bergeracoises, traversent le temps en toute discrétion.
Olivier Sorondo 7 décembre 2022 – Dernière MAJ : le 7 décembre 2022 à 19 h 50 min
Crédit photo : Les Vins de Bergerac Duras – Facebook
Un vignoble installé depuis… 1322
Partir à la conquête des vins et appellations de Bordeaux et du Sud-Ouest impose une solide motivation tant leur diversité est grande. Si les vins prestigieux du Médoc ou charpentés de Madiran jouent les têtes d’affiche, d’autres se détachent de toute ambition de célébrité.
Ainsi, le vin blanc moelleux de l’AOC Rosette poursuit son bonhomme de chemin à travers les siècles. Son territoire correspond à celui délimité en 1322 sous l’appellation de « Vinée de Bergerac ». La vinée aurait d’abord correspondu à la fusion du vignoble du châtelain de Bergerac et de celui de la paroisse de Saint-Martin, avant de s’étendre plus au sud en 1495.
Malgré la modestie de sa surface de production, le Rosette profite pleinement du commerce des vins aquitains vers l’Angleterre pour asseoir sa réputation. Du 17e au 18e siècle, le développement du commerce avec la Hollande lui permet de contribuer au rayonnement des vins du Sud-Ouest, en apportant sa touche souple et moelleuse.
En 1881, la crise du phylloxéra ravage le petit vignoble, comme tous ceux de France. Les quelques pieds survivants ne résistent pas aux terribles gelées hivernales un an plus tard.
Replantées, les vignes reprennent leur existence confidentielle, à l’ombre des fameux Monbazillac et Pécharmant, leurs voisins de terroir. Tout vient à point à qui sait attendre, car en 1946 un décret hisse le Rosette au rang d’AOC, en récompense de sa qualité et de sa singularité.
Hélas, l’appellation ne contribue pas vraiment à son essor commercial. Jusqu’aux années 1980, sa consommation dégringole. Éloigné des attentes du public, à une période où la publicité impose la notoriété à ceux qui peuvent se l’offrir, le vignoble se contracte. La densification urbaine de Bergerac grignote aussi son territoire.
Il faut toute l’énergie d’une petite équipe de viticulteurs rapatriés d’Afrique du Nord pour lui éviter de disparaître.
Continuer d’exister
L’appellation Rosette dépend d’une aire de production délimitée entre les communes de Bergerac, Creysse, Ginestet, Lembras, Maurens et Prigonrieux. Le vignoble est installé sur les coteaux de la rive droite de la Dordogne, dans un environnement enchanteur composé de collines et de massifs forestiers.
Sa superficie officielle s’étend sur 125 hectares, mais seule une quarantaine est actuellement exploitée. La surface reste certes modeste, mais elle s’est étirée depuis les années 2000. En 2008, elle ne dépassait pas les 11 hectares. Le vignoble a su échapper à une disparition lente et inéluctable.
Il profite de sérieux atouts pour justifier sa survivance. D’abord, le microclimat qui couvre cette petite zone de la Dordogne se révèle particulièrement bien adapté à la maturité du raisin. Protégées par un amphithéâtre de collines et plantées sur des coteaux baignés de soleil, les vignes profitent de conditions précieuses.
Ensuite, le sol se compose de sables argileux, d’alluvions et de graviers charriés par la rivière. Riche en fer et en minéraux, il se réchauffe rapidement au printemps, aidé par les coteaux drainants.
Enfin, les trois cépages de l’AOC Rosette (sémillon, sauvignon et muscadelle) restent particulièrement appréciés des consommateurs, justifiant leur pérennité. Ils contribuent à singulariser le Rosette, considéré comme un blanc moelleux et non pas liquoreux.
Aujourd’hui, une dizaine de viticulteurs se consacre à l’appellation. Ils procèdent au passerillage pour obtenir une bonne surmaturation des grains et s’assurer d’une teneur en sucres résiduels suffisante.
Les vendanges sont lancées avant l’apparition du botrytis (ou peu après selon les parcelles) et suffisamment tôt pour conserver la fraîcheur, l’acidité et l’arôme des raisins. Toute l’identité de l’AOC Rosette tient en cette alchimie entre grains suffisamment sucrés et récolte pas trop tardive.
Les raisins sont pressés immédiatement et la fermentation alcoolique se produit en quatre à cinq jours. Le breuvage est ensuite conservé deux à trois mois en cuve ou barrique avant d’être embouteillé.
La production reste modeste, pour atteindre les 14 000 bouteilles les années fastes.
Un plaisir forcément rare
Il n’est bien sûr pas envisageable de trouver des bouteilles d’AOC Rosette dans son supermarché de quartier, à moins, peut-être, d’habiter Bergerac et ses environs. Le vin sait se faire discret pour encore mieux se faire désirer.
Les amateurs chanceux apprécient le travail d’assemblage effectué par les vignerons, signature d’un vrai savoir-faire.
À l’œil, le vin dévoile une robe pâle et un jaune paille aux reflets dorés.
Au nez, « les premières senteurs dévoilent un bouquet complexe où les fleurs blanches, l’acacia et le chèvrefeuille en tête, rencontrent les agrumes. À cela s’ajoutent des notes de mangue et d’ananas pour une pointe d’exotisme et de savoureuses touches de poire » écrit Le site spécialisé Tout le Vin.
Des notes anisées ou mentholées peuvent parfois se dévoiler, renforçant le sentiment de fraîcheur.
En bouche, le sucre apporte une sage onctuosité au nectar, en bon équilibre avec la fraîcheur. « Le sémillon apporte la structure, le gras, l’onctuosité, et le sauvignon, la fraîcheur aromatique. On retrouve l’alliance de notes suaves de fruits exotiques et de nuances plus fraîches d’agrumes, qui soulignent la vivacité de la finale » précise le Guide Hachette des Vins.
Le Rosette s’apprécie bien sûr à l’apéritif, servi entre 8 et 10°. À table, il accompagne les volailles, les fruits de mer, les poissons en sauce, le foie gras, les plats truffés ou encore les formages à pâte persillée.
Sa dégustation rend hommage à sa longue histoire, parfois tourmentée. Considéré comme élégant et de grande distinction, le Rosette continue d’exister vaille que vaille et en toute confidentialité.
Exutoire de l’étang de Léon, à l’ouest du département des Landes, le courant d’Huchet se faufile à travers un paysage amazonien jusqu’à l’océan Atlantique.
Olivier Sorondo 17 octobre 2023 – Dernière MAJ : le 17 octobre 2023 à 18 h 20 min
Comme un sentiment hors du temps
Bien naïf celui qui considère les Landes comme une interminable et monotone forêt de pins. Le département regorge de petits territoires singuliers et discrets, souvent éloignés des vagues de touristes, qui contribuent à sa richesse.
Le courant d’Huchet est l’un de ceux-là, même s’il bénéficie d’une notoriété aujourd’hui bien établie. L’endroit suscite il est vrai l’admiration de ses visiteurs depuis déjà de nombreuses décennies. Ainsi, le journaliste Gilles Charles laisse parler son émotion dans le supplément littéraire du Figaro paru le 16 octobre 1921 : « Mais l’on rechercherait vainement ici les molles harmonies des paysages de la Loire et si l’on peut découvrir une harmonie profonde, elle ne manque pas d’une certaine violence. Tant il y a que l’étang de Léon est étrangement séduisant. Et si le courant d’Huchet ne peut vous émouvoir, c’est à désespérer. Imaginez un minuscule cours d’eau qui serpente entre des rives boisées, si minuscule à certains endroits que la barque la plus étroite y passe à grand-peine. Et ce ruisseau forme des criques, de petites anses où la lumière s’opalise dans l’ombre verte des feuillages, où, sur l’eau dormante, s’épanouissent les fleurs des nénuphars, les fougères royales et les hibiscus nuancés. »
La découverte du lieu reviendrait au poète italien Gabriele d’Annunzio en 1908, mais il est fort probable que les habitants de cette partie du littoral le connaissaient depuis fort longtemps. Le Pays de Born et du Marensin laisse d’ailleurs voir d’autres courants, ou petits fleuves côtiers. Tous jouent le rôle d’exutoire des étangs et permettent de drainer les sols sableux. Ils se jettent dans l’océan Atlantique en franchissant les dunes par une embouchure, ce qui les soumet d’ailleurs au mouvement des marées dans leur partie aval.
Pour sa part, l’embouchure du courant d’Huchet n’a jamais été stabilisée par des travaux d’endiguement. Force est de constater que parmi les fleuves côtiers de cette partie des Landes, il s’impose comme le plus somptueux et remarquable. La richesse de son environnement lui vaut d’être classé dès 1934 au titre des monuments naturels et des sites à caractère artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque.
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La beauté des Landes dans le reflet de l’eau
Le courant d’Huchet est l’un de ceux-là, même s’il bénéficie d’une notoriété aujourd’hui bien établie. L’endroit suscite il est vrai l’admiration de ses visiteurs depuis déjà de nombreuses décennies. Ainsi, le journaliste Gilles Charles laisse parler son émotion dans le supplément littéraire du Figaro paru le 16 octobre 1921 : « Mais l’on rechercherait vainement ici les molles harmonies des paysages de la Loire et si l’on peut découvrir une harmonie profonde, elle ne manque pas d’une certaine violence. Tant il y a que l’étang de Léon est étrangement séduisant. Et si le courant d’Huchet ne peut vous émouvoir, c’est à désespérer. Imaginez un minuscule cours d’eau qui serpente entre des rives boisées, si minuscule à certains endroits que la barque la plus étroite y passe à grand-peine. Et ce ruisseau forme des criques, de petites anses où la lumière s’opalise dans l’ombre verte des feuillages, où, sur l’eau dormante, s’épanouissent les fleurs des nénuphars, les fougères royales et les hibiscus nuancés. »
La découverte du lieu reviendrait au poète italien Gabriele d’Annunzio en 1908, mais il est fort probable que les habitants de cette partie du littoral le connaissaient depuis fort longtemps. Le Pays de Born et du Marensin laisse d’ailleurs voir d’autres courants, ou petits fleuves côtiers. Tous jouent le rôle d’exutoire des étangs et permettent de drainer les sols sableux. Ils se jettent dans l’océan Atlantique en franchissant les dunes par une embouchure, ce qui les soumet d’ailleurs au mouvement des marées dans leur partie aval.
Pour sa part, l’embouchure du courant d’Huchet n’a jamais été stabilisée par des travaux d’endiguement. Force est de constater que parmi les fleuves côtiers de cette partie des Landes, il s’impose comme le plus somptueux et remarquable. La richesse de son environnement lui vaut d’être classé dès 1934 au titre des monuments naturels et des sites à caractère artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque.
Consommé depuis des siècles par les Basques, le sagarnoa (ou sagardoa) est considéré à tort comme un cidre local. La différence se veut plus subtile.
Olivier Sorondo 6 septembre 2022 – Dernière MAJ : le 20 septembre 2022 à 14 h 39 min
Crédit photo : Mikel Arrazola – CC BY 3.0
Boisson traditionnelle du Pays basque
Les pommiers occupent depuis fort longtemps les terres basques, propices à leur développement. Fort logiquement, les autochtones ont su en tirer profit en aménageant des vergers et des pommeraies. Devenue incontournable, la pomme s’est imposée comme la reine des fruits et l’unique ingrédient d’une boisson rattachée à la culture locale : le sagarnoa.
Ce terme basque désigne le « vin de pomme », et non pas le cidre. Le malentendu persiste depuis quelques siècles. Peut-être est-il dû à une traduction erronée puisque le terme basque « sagarnoa » équivaut au mot espagnol « sidra », lui-même (faussement) traduit « cidre » dans la langue de Molière. Cette double traduction a donc initié une mauvaise désignation du divin breuvage en France.
Une approche plus technique confirme d’ailleurs cette confusion. La règlementation française relative au cidre impose une fermentation de moûts de pommes fraîches, extraits avec ou sans addition d’eau. De plus, le cidre doit afficher un titre alcoométrique volumétrique de 5% au minimum, une acidité volatile maximale de 1g/litre et une teneur en sucres résiduels de 35 g/litre.
Pour sa part, le sagarnoa n’est pas pétillant et ne reçoit aucun ajout de sucre. Essentiellement produit en Espagne, il atteint 2,2 g d’acidité, un niveau plus élevé que le cidre, et un degré d’alcool à 6°.
Le vin de pomme basque laisse deviner des saveurs équilibrées et un caractère affirmé. Il est apprécié à l’apéritif, en accompagnement de délicieux tapas ou pintxos.
Des origines lointaines
Mythes, légendes et théories entourent l’apparition des pommiers au Pays basque. Certains estiment que les arbres fruitiers ont été introduits par les Arabes. D’autres considèrent que les Romains les auraient plantés lors de leur grande invasion. Quelques pistes évoquent même le rôle des oiseaux migrateurs, porteurs de pépins de pommes.
Il n’en demeure pas moins que le climat humide et tempéré du Pays basque a encouragé l’exploitation des pommiers. Les premières traces écrites seraient celles de règlements, ordonnances et décrets royaux publiés en 1189, relatifs aux pommeraies du Labourd.
Les pèlerins, en chemin vers Saint-Jacques-de-Compostelle, mentionnent eux aussi l’existence de vastes plantations au 12e siècle.
Il convient enfin de mentionner les écrits des « fueros », dédiés à la plantation des arbres et au commerce du sagarnoa, qui livrent des conseils sur la protection des pommiers contre les animaux et les voleurs.
Les marins basques chassent la baleine en Atlantique Nord.
Si la boisson emblématique du Pays basque s’installe assez largement dans les foyers, elle conquiert ses lettres de noblesse grâce aux marins. Ces derniers embarquent de nombreux tonneaux à bord de leur voilier avant de rejoindre les eaux froides de l’Atlantique pour pécher la morue et chasser la baleine. Le sagarnoa s’impose comme le remède parfait contre le scorbut grâce à son apport en vitamine C. Les contrats stipulent d’ailleurs que chaque membre d’équipage doit en boire entre deux et trois litres chaque jour. On imagine les joyeux chants basques sur le pont des bateaux !
Le vin de pomme, tout au long des siècles, contribue à la renommée du Pays basque et à sa puissance économique. La culture s’intensifie et les pressoirs se multiplient sur le territoire.
L’âge d’or du sagarnoa atteint son apogée au 16e siècle. L’introduction progressive de nouvelles cultures, dont celle du maïs, grignote les pommeraies. Au 20e siècle, la guerre civile espagnole et l’essor industriel relèguent la boisson basque à un moindre niveau de production et de consommation.
Heureusement, la province du Guipuscoa a su conserver les ressources et le savoir-faire, malgré la fermeture de nombreux pressoirs. La résilience des producteurs locaux a permis d’éviter la disparition de cette boisson emblématique, toujours appréciée aujourd’hui.
La production aujourd’hui
Le Pays basque compte une soixantaine de cidreries, dont la majorité se situe logiquement en Guipuscoa. Les établissements misent sur le regain des consommateurs pour étoffer les pommeraies et profiter de fruits locaux. Environ 400 hectares supplémentaires permettraient de ne plus dépendre des pommes venues de Normandie et même de République tchèque. Elles représentent aujourd’hui plus de la moitié de la matière première.
Le mouvement semble amorcé du côté français. De nouvelles variétés sont plantées et testées, en complément des pommes déjà connues comme l’Ondomotxa, la Peatxa et la Txakala. Plus d’un millier de variétés a été recensé.
La fabrication du sagarnoa débute bien sûr par la récolte des pommes, entre septembre et décembre. Les fruits sont ensuite lavés, triés, pressés avant de reposer quelques heures afin de décanter le moût. Il s’ensuit l’importante étape de la fermentation, dans des conditions de températures basses. Le jus de pomme est stocké dans des kupelas (tonneaux) pendant une période de quatre à huit semaines, nécessaire à la transformation du sucre en alcool.
Le produit final est un vin de pomme non pétillant, dont la teneur en alcool se situe entre 5 et 6°. Son goût équilibré et acidulé résulte du choix des pommes douces, acides et amères. Le léger perlé qui caractérise le sagarnoa (on ne parle même pas d’effervescence) provient du gaz résiduel généré pendant la fermentation.
Chaque producteur donne naissance à une boisson différente. Pour Bixintxo Aphaule, cité par le site En Pays basque, « la diversité est intéressante. Plusieurs producteurs font sensiblement le même travail à plusieurs endroits du Pays basque, pourtant aucun de leurs cidres n’a le même goût. »
La différence apparaît également entre le Nord et Sud du Pays basque. En Espagne, le sagarnoa est plus sec et acidulé.
Les niveaux de consommation varient énormément des deux côtés de la frontière, le sagarnoa étant lié à une certaine habitude culturelle du côté espagnol.
Le rôle crucial des sagarnotegis
Les cidreries, ou plutôt les « sagarnotegis », ont su préserver cet héritage de la culture basque, essentiellement dans les provinces espagnoles. Lorsque vient enfin le temps de la dégustation, de la mi-janvier à la fin avril, le public se presse nombreux dans les chais afin de se prêter à l’exercice du « Txotx ».
Il s’agit en quelque sorte d’un rituel. Les sagarnotegis proposent à leurs clients un repas roboratif, dont le menu, composé de produits locaux, ne varie pas d’un établissement à un autre : omelette à la morue, dés de morue frite, txuletta (côte de bœuf) cuite au feu de bois, fromage de brebis accompagné de confiture de coing et de noix. Le moment se veut convivial grâce aux grandes tablées et aux plats généreux dans lesquels chacun se sert.
C’est bien parti ! – Crédit photo : Kent Wang – Flickr
Dès que le maître des lieux crie « Txotx ! » pour annoncer l’ouverture d’une kupela après avoir retiré le bouchon, les convives sont invités à se rapprocher munis de leur verre. La mission est simple, mais requiert un peu d’habilité : placer son verre sous le jet de sagarnoa en l’inclinant légèrement et en remontant jusqu’à la source. L’opération vise à provoquer une oxygénation rapide de la boisson afin de l’apprécier davantage. La règle sous-jacente suppose de ne pas remplir son verre, car les dégustations se multiplient au fur et à mesure de l’ouverture des tonneaux. Chaque kupela révèle en effet un sagarnoa au goût différent.
Si l’écrasante majorité des sagarnotegis se situe au Sud du Pays basque, quelques établissements parviennent à faire vivre la tradition dans les provinces localisées en France, à l’instar de Txopinondo. La « cidrerie » artisanale, créée en 1999, ouvre ses portes tout au long de l’année à Ascain. On y retrouve l’esprit des sagarnotegis en profitant d’une visite des lieux et des explications sur la fabrication du sagarnoa.
Loin des tomates insipides qui peuplent les étals des supermarchés, la Marmande revendique depuis plus d’un siècle ses arômes prononcés, issus d’un travail passionné et artisanal.
Olivier Sorondo 18 août 2022 – Dernière MAJ : le 20 septembre 2022 à 11 h 06 min
Belle, charnue, juteuse et gourmande, c’est la Marmande !
Au tout début, une histoire d’amour
C’est une légende charmante qui entoure l’apparition de la tomate de Marmande.
Il était une fois une très belle jeune femme, Ferline Giraudeau, fille d’un bourgeois de Marmande. Au grand désespoir de son père, veuf et vieillissant, aucun des prétendants ne trouvait grâce aux yeux de la belle demoiselle. Encore plus pauvre et plus timide que ses rivaux, Peyot Bory renonça à déclarer son amour et décida de s’embarquer pour les Amériques depuis le port de Bordeaux.
Après quatre ans d’aventures et de découvertes, Peyot revint à Marmande, riche d’un sac de graines. Il les sema dans le jardin paternel et, dès les premiers jours de l’été, obtint de superbes fruits rouges, ronds et lisses. N’ayant pas oublié sa chère Ferline, il prit l’habitude de lui déposer chaque matin une corbeille bien garnie au pied de sa fenêtre.
Intriguée, celle-ci finit par le surprendre :
– Dis-moi, ami, comment s’appelle donc ce fruit délicieux que tu m’apportes chaque jour ?
– Lorsque j’étais aux Amériques, les Indiens l’appelaient la « tomate », mais moi, je l’appelais « Ferline » en souvenir de toi, tant elle était belle !
– Eh bien, lui dit-elle en se jetant dans ses bras, à partir d’aujourd’hui, nous l’appellerons « La pomme d’amour ».
Ce titre de pomme d’amour accompagna d’ailleurs de nombreuses années la tomate de Marmande.
Originaire des Andes d’Amérique et introduite en Europe au 16e siècle, la tomate fait son apparition dans le Marmandais en 1863. Sa culture permet de compenser les lourdes pertes engendrées par l’épidémie de phylloxéra, qui ravage les vignes.
Quelques décennies plus tard, les producteurs parviennent à croiser les variétés pondorosa et mikado pour donner naissance à la future tomate de Marmande. Fruit à maturité hâtive (entre 55 et 65 jours), la tomate révèle des qualités gustatives supérieures et se prête fort bien au transport. Au 19e siècle, d’importantes quantités sont exportées en Angleterre.
Le succès commercial oblige à étendre la zone de production et agrandir les exploitations. L’apparition des conserveries marque le début du cycle de transformation de la tomate. Les établissements sont construits au bord de la Garonne, afin de faciliter le transport des produits et profiter de l’eau pour laver les fruits.
La qualité comme premier argument
Au cœur du Lot-et-Garonne, la tomate de Marmande bénéficie d’un climat océanique favorable, avec des températures douces en hiver, des étés chauds et des pluies abondantes au printemps. La variété Marmande se compose de trois tomates bien distinctes :
– La tomate côtelée : avec une couleur qui varie du brun foncé au jaune orangé en passant par le rouge, elle se déguste en salade et même farcie.
– La tomate cornue : on la repère tout de suite grâce à sa forme de piment. Contrairement à ses sœurs, la cornue est avare en jus, ce qui permet de la passer au barbecue ou de l’ajouter à un sandwich, avec du fromage et du jambon.
– La tomate cœur : de forme allongée, impossible de l’apprécier autrement qu’en salade grâce à sa texture fondante, avec un filet d’huile d’olive ou une pointe de sel.
Sa culture répond à un cahier des charges méticuleux. Les meilleures variétés sont choisies, à même de développer une saveur prononcée, similaire à celle ayant contribué à la réputation du fruit. Bien sûr, pas de hors-sol en terres marmandaises. Le mode de culture se veut traditionnel, en pleine terre et sous abri. La plantation s’effectue à la main et l’irrigation est assurée grâce au système de goutte-à-goutte. L’apport de matières organiques et de minéraux permet une fertilisation traditionnelle. La pollinisation dépend de la mise en place de ruches à bourdons et le désherbage reste manuel, sans aucun produit chimique. La main de l’homme reste aussi le seul outil lors de la récolte et du conditionnement.
Encore un peu de patience – Crédit photo : Quisnovus – Flickr
D’un poids variant entre 200 et 400 grammes, la tomate de Marmande, très parfumée et sucrée, suscite le plaisir du goût retrouvé. Sa distribution, entre mai et octobre, se limite essentiellement aux magasins et marchés de la région, du fait aussi de sa faible production.
En effet, seule une quinzaine de producteurs se consacre aujourd’hui à la culture du fruit de bouche. Sur une surface de 14 hectares, la production ne dépasse pas les 1 500 tonnes. « Si l’on ne fait rien, dans quinze ans, ce mode de production aura disparu car, progressivement, les producteurs arrêtent, confrontés à une rentabilité qui n’est pas au rendez-vous » constate Gilles Bertrandias, le directeur général de Paysans de Rougeline, cité par le site Business Les Échos.
Les tomates destinées à la transformation (jus, sauce, tourin, ketchup) donnent lieu à une activité plus soutenue. Près d’une centaine de producteurs s’affaire, sur une zone de culture dépassant les 500 hectares. La production annuelle s’établit à environ 35 000 tonnes, dont une partie en bio. Cette étape de la transformation permet une diffusion commerciale beaucoup plus large de la pomme d’amour.
Une marque en attendant l’IGP
Soucieux d’assurer une meilleure image de son produit roi, l’association des fruits et légumes du Lot-et-Garonne (AIFLG) a lancé en 2020 la marque collective « Tomate de Marmande ». Elle est depuis commercialisée par les supermarchés et les grossistes.
L’enjeu consiste avant tout à « valoriser le savoir-faire et le terroir », selon Danielle Marcon, la présidente de l’AIFLG. La tomate de Marmande doit en effet faire face à la concurrence redoutable des produits exportés d’Espagne, d’Italie et du Maroc.
Pour Gilles Bertrandias, « l’objectif, c’est qu’il n’y ait plus aucun producteur qui arrête son activité, mais aussi que de nouveaux producteurs lancent la leur. Si on ne faisait rien, cette production locale risquait de disparaître ! »
Adhérer à la marque « Tomate de Marmande » suppose de respecter le cahier des charges établi par l’AIFLG. « Il faut faire partie d’une zone géographique qui, en gros, s’étend sur la vallée fluviale de la Garonne, du Lot, de la Dordogne. Il faut aussi respecter des critères de variétés, de traçabilité, de respect de l’environnement. En matière de variétés, il faut par exemple cultiver ses tomates en pleine terre et non en hors-sol. Autrement dit, pour le consommateur, c’est une promesse de qualité et surtout de production locale » explique Frédéric Marchezin, producteur implanté à Puch d’Agenais et cité par le site Actu.fr.
La création de la marque, reconnue par l’INPI, constitue la première démarche visant à décrocher l’IGP (Indication Géographique Protégée), qui s’attache aux produits dont la qualité est liée au lieu de production, de transformation et d’élaboration. À ce titre, le cahier des charges a été rédigé au premier semestre 2022, mais le combat sera long et difficile. L’instruction du dossier « peut prendre jusqu’à 15 ans » reconnaît Danièle Marçon.
Il est également question de lancer le chantier du Label Rouge, véritable Graal des producteurs locaux. Félix Pizon, le directeur de l’AIFLG, indique à La Dépêche que le processus a déjà été initié : « Nous voulons recentrer la production autour du bassin du Marmandais (…) Les recherches variétales vont dans le sens d’une amélioration gustative, plus de sucre parfois, ou encore une chair différente. Pour la tomate transformée, il s’agit surtout de travailler la résistance aux maladies. »
Les espoirs apparaissent donc forts au sein de la filière, qui concerne un millier d’emplois directs. Les producteurs restent persuadés que la qualité de la Marmande contribuera à une meilleure reconnaissance et à une plus forte rentabilité, essentielle à la pérennité de l’activité.
Ils peuvent en tout cas compter sur la confrérie des chevaliers de la tomate de Marmande. Ambassadrice zélée, elle assure tout au long de l’année la promotion et la valorisation de la pomme d’amour, notamment lors de la fête de la tomate, organisée chaque été dans la cité gasconne.
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