Reconnaissable entre mille, le drapeau basque, ou ikurriña, fut hissé pour la première fois en 1894 à Bilbao.
Olivier Sorondo – 18 août 2020 – Dernière MAJ : le 5 octobre 2020 à 19 h 40 min
Crédit photo: Joseba Ariznabarreta – Flickr
La revendication d’un parti nationaliste naissant
Sa vie fut brève, mais intense. Mort à 38 ans en 1903, Sabino Arana Goiri peut être considéré comme le plus fervent partisan du projet de nation basque, traditionnelle, culturelle et catholique, à l’opposé de la vague industrielle qui touche la Biscaye dans les années 1880. Son amertume se nourrit également de la suppression des fueros (privilèges et libertés accordés aux Basques depuis l’occupation romaine), imposée par une loi espagnole promulguée en 1876.
Arana consacre dès lors sa vie à l’identité basque. Il créé le partido nacionalista vasco (parti nationaliste basque), rédige des ouvrages, diffuse des journaux d’opinion, propose la devise « Jaungoikoa eta Laggi-Zarra » (Dieu et les vieilles institutions) et même un hymne, Euzko Abandaeren Ereserkija.
Sa bataille nationaliste passe aussi par le nouveau nom qu’il donne au Pays basque, Euskadi, et par le drapeau qu’il conçoit et dessine avec son frère Luis, l’ikurriña.
Un drapeau d’abord destiné à la seule province de Biscaye
L’ikurriña est hissée pour la première fois le samedi 14 juillet 1894 au 22 de la calle del Correo, dans le quartier de Siete Calles, à Bilbao. L’honneur en revient à Ciriaco de Iturri, le doyen de la société Euskeldun Batzokija.
Pour Sabino Arana Goiri, aucune ambiguïté ne transparaît : le nouveau drapeau se destine seulement à la Biscaye en attendant que les autres provinces basques conçoivent le leur. En dernière phase, un drapeau de la confédération de l’ensemble des provinces symbolisera la naissance d’Euskadi.
Poète, écrivain, idéologue, idéaliste, nationaliste, Sabino Arana est le père de l’ikurriña.
L’idéologue basque n’a cependant pas envisagé le succès rapide que rencontre sa création. Les provinces renoncent à créer leur propre étendard pour adopter l’ikurriña.
Cité par Pays Basque Magazine (février-mars-avril 1996), l’abbé Pierre Laffite écrit : « Les Labourdins trouvèrent l’ikurriña si jolie qu’ils l’adoptèrent tout de suite et, peu à peu, on fit partout de même. »
Dévoilé pour la première fois à l’étranger en 1927 à l’occasion d’un spectacle de danse basque organisé au Royal Albert Hall de Londres, le drapeau profite de la mise en place de la seconde République espagnole en avril 1931 pour être largement diffusé.
Emblème du parti nationaliste, l’ikurriña tend à symboliser au fil des années l’unité spirituelle des Basques. Ainsi, « des milliers de drapeaux basques sont déployés lors du premier Aberri Eguna (jour de la Patrie), organisé à Bilbao en mars 1932 (…) On trouve aussi l’ikurriña à Bayonne en juillet 1932 lors du congrès des Txistularis qui coïncide avec les premières fêtes de Bayonne » écrit Jean-Claude Larronde dans Pays Basque Magazine.
Sur l’ensemble des provinces, le drapeau est avant tout perçu comme un signe de ralliement, voire de fraternité.
En 1936, la guerre civile espagnole encourage le statut d’autonomie d’Euskadi. À ce titre, l’un des premiers décrets signés par le gouvernement est de considérer l’ikurriña comme emblème officiel. Le texte précise même ses dimensions et les mesures des deux croix.
Un design séduisant pour un message clair
C’est un fait : l’ikurriña a suscité un véritable enthousiasme auprès des Basques du Sud et du Nord. Il est vrai que son design (ou vexillographie : design propre aux drapeaux) est agréable à l’œil. Certains y ont vu quelques similitudes graphiques avec le drapeau de l’Union Jack.
Néanmoins, la symbolique répond à des principes auxquels étaient très attachés les frères Arana.
L’ikurriña tel que conçu parles frères Anara en 1894, puis sa version actuelle.
D’abord, le fond rouge représente le peuple basque.
Ensuite, la croix-verte de Saint-André, de la même couleur que le chêne de Biscaye, symbolise la loi qui doit être au-dessus du peuple.
Enfin, la croix blanche sur la croix verte et sur le fond rouge exprime la morale du Christ qui doit régner sur la loi et sur le peuple.
« Ainsi, les différents termes de la devise sont tous représentés au sein du drapeau. Jaungoikoa (Dieu) est représenté par la croix blanche ; Lagi-Zarra (La Vieille Loi) est représentée par la croix verte ; Eta (et) est représenté par l’union des deux croix au centre du drapeau » écrit Sabino Arana.
Retrouvons Hélène et sa petite famille en villégiature sur le Bassin d’Arcachon. Seront-ils condamnés à limiter leurs activités aux seules séances de baignade et de bronzage ? Bien sûr que non.
Olivier Sorondo 11 août 2020 – Dernière MAJ : le 14 novembre 2020
La Teste-de-Buch offre un cadre idéal de vacances – Crédit photo: M.Strīķis – CC BY-SA 3.0
Samedi 8 août
Enfin les vacances, le soleil, la plage, le barbecue et le lâcher-prise. Des semaines que vous y pensez, exténuée par le rythme infernal du quotidien parisien. Rien ne change vraiment, si ce n’est la destination estivale. Cette année, ce sera une belle petite location, certes mitoyenne, mais avec piscine, à la Teste-de-Buch, sous les pins.
La voiture est chargée depuis la veille et votre mari, Christophe, enclenche la première à exactement 5 heures 30 du matin. « On va tous les griller ! On déjeune à midi tapant en terrasse à Arcachon, promis juré ! » jubile-t-il. À l’arrière, Guillaume, 15 ans, fait la tronche tandis qu’Alexia, du haut de ses 10 ans, se prépare à se rendormir.
Bon, vous avez quitté votre maison de Gentilly il y a déjà une heure et l’A10 n’est toujours pas en vue. C’est quand même un (très) gros embouteillage. Vite, vous placez vos écouteurs au fin fond de vos oreilles et vous ouvrez votre application Deezer en regardant votre homme. Le jeu est simple : essayer de deviner les insultes qu’il profère devant son pare-brise. C’est un jeu assez marrant.
La rocade bordelaise se rapproche enfin et il n’est que 13 heures 30 ! Alexia, bien réveillée, se montre enchantée.
« On va pouvoir passer sur le pont d’Aquitaine ! »
« Non, on prend la rocade de l’autre côté, c’est plus court » lui répond son père.
Erreur. Parce que la rocade bordelaise, c’est du rouge écarlate l’été tellement elle est saturée, surtout si on privilégie « l’autre côté ». C’est ce que font tous les touristes.
En ayant choisi la rocade Ouest, on aurait un peu mieux roulé et, surtout, on aurait pu emprunter la discrète sortie 13 au niveau de Pessac, suivre l’avenue du Bourg jusqu’à la D1250, qui aurait permis de rejoindre le Bassin d’Arcachon via Marcheprime en évitant une vingtaine de kilomètres d’embouteillages sur l’A63. C’est trop bête.
Mais bon, fichu pour fichu, vous décidez, après 2 heures de collé-serré avec les autres voitures, de faire une pause à l’aire d’autoroute de Cestas. Après tout, la destination finale n’est plus très loin, les pins maritimes sont agréables à regarder et vous vous sentez déjà un peu en vacances.
La volupté est de courte durée puisque Guillaume vient vous annoncer qu’il souhaite récupérer ses affaires et rejoindre le groupe de Christyntje, une jeune touriste néerlandaise qu’il vient de rencontrer sur le parking. Bien sûr, il restera avec elle après les vacances et ira s’installer pour toujours à Amsterdam où il travaillera dans un coffee shop.
Vous le fusillez du regard.
Deux (bonnes) heures plus tard, vous voici enfin devant le portail de la villa. Juste le temps de couper la radio, branchée sur France Bleu Gironde, qui annonce un soleil éclatant pour le lendemain.
Le propriétaire vous accueille chaleureusement.
« Hé, je vous attendais à midi ! »
Dimanche 9 août
C’est un drôle de bruit qui vous réveille vers 9 heures. Curieuse, vous ouvrez le volet pour constater une pluie torrentielle dans le jardin. Au plus profond de votre esprit, vous maudissez Météo France et réfléchissez au nouveau programme de la journée.
Alexia vous rejoint près de la fenêtre, les yeux tristes.
« On ne va plus à la plage ? »
« Non, ma puce, mais on reste quand même proche de la mer. Ça te dirait de visiter Arcachon, en attendant le retour du soleil ? »
Votre proposition est presque adoptée à l’unanimité par les membres de la famille. Seul Guillaume vote contre, préférant passer la journée sur le canapé à échanger des SMS avec Christyntje, qui vient d’arriver en Espagne.
La pluie cesse, le ciel se dégage et Arcachon se pare de ses plus beaux atouts pour vous séduire. La visite de la ville d’hiver, l’un des quatre quartiers, vous impressionne. Chaque ruelle laisse apparaître des rangées de villas plus belles les unes que les autres. Le quartier en compte plus de 300, toutes bâties au 19e selon le mouvement pittoresque et adoptant des styles différents : néogothique, colonial, mauresque, néoclassique. Vous remarquez même une bâtisse épousant l’architecture d’un chalet suisse.
Bien sûr, quelques villas, parmi les plus imposantes ou originales, ont acquis une certaine postérité : Trocadéro, Athéna, Toledo ou encore Brémontier.
Comme un décor de cinéma à Arcachon – Crédit photo: Patrick Nouhailler – Flickr
Le soleil a repris sa place légitime dans le ciel lorsque vous arrivez, presque par inadvertance, au Parc Mauresque. Refuge enchanteur au cœur de la ville, il a été transformé en arboretum en 1992, sans pour autant dénaturer son influence anglaise originale. Arbres centenaires, théâtre de verdure, massifs fleuris, cascades dans les rochers, jardin d’enfants et même un petit kiosque du 19e composent le décor du lieu. Parmi les plantes et les arbres, vous remarquez des pins maritimes, des ginkos et des liquidambars. Depuis 1987, une extraordinaire roseraie complète l’ensemble et contribue encore plus à sa magie.
Vous profitez de la vue magnifique qu’offre l’endroit lorsqu’Alexia vous signale la présence d’un ascenseur, qui vous mène en un rien de temps un peu plus bas, à la ville d’été. Par chance, il s’agit aussi du centre-ville d’Arcachon, qui se prolonge jusqu’à la plage, entre les jetées d’Eyrac et de la Chapelle. Votre curiosité devient alors plus primitive, dictée par la faim, car il est déjà 13 heures. Un seul objectif : un bon petit restaurant, si possible avec terrasse, celui dont rêvait votre mari la veille. Tout vient à point à qui sait attendre.
Lundi 10 août
Journée courses et farniente dans la villa. Il faut beau, il fait chaud, le centre commercial de La Teste déborde de clients, mais vous prenez votre mal en patience, d’autant plus que les merguez et les chipos affichent une promotion toujours bonne à prendre.
De retour dans votre villégiature, vous constatez que si la villa est mitoyenne, le barbecue l’est aussi. Le prétexte est excellent pour nouer contact avec vos co-vacanciers, qui ont eux aussi préparé leur stock de saucisses. À la bonne franquette, les deux familles décident de faire table commune. Pendant que Christophe débouchonne bruyamment une bouteille de Bordeaux rosé, vous vous enquérez de l’origine géographique de vos nouveaux amis. Bon, votre sourire reste figé lorsqu’ils vous apprennent qu’ils habitent à Gentilly, et même à trois rues de chez vous.
« Ah ben, le monde est petit ! » déclare votre homme, la bouteille à la main.
Guillaume, qui vient pourtant de faire ses adieux définitifs par Skype avec Christyntje, retrouve le sourire après avoir été présenté à Margaux, la jolie jeune fille de vos voisins. Pour le coup, vous êtes plutôt contente qu’ils soient originaires de Gentilly.
Tout au long de l’après-midi, les rires des enfants dans la piscine, le chant des cigales et la chaleur du soleil vous apaisent l’esprit et le corps. Seuls les cris caverneux de Guillaume vous obligent à ouvrir un œil de temps en temps. Sa technique de séduction vous échappe complètement.
Mardi 11 août
Passer quelques jours de vacances à La Teste sans même gravir la dune du Pilat paraît inconcevable à Alexia. Grâce aux conseils avisés du propriétaire, vous privilégiez les vélos à la voiture et vous longez, sur une belle piste cyclable, la D259 qui vous mène directement jusqu’au monstre de sable.
Vous esquissez un large sourire en constatant l’embouteillage qui s’est formé, sur plusieurs centaines de mètres, obligeant les automobilistes à patienter de longues minutes.
« Au moins une demi-heure » estime Guillaume, le souffle court à cause du pédalage.
Manque de chance pour les conducteurs, le panneau du parking de la dune annonce complet, obligeant tout ce beau monde à trouver une place en lisière de forêt et assez loin du site.
Gravir la dune vous rappelle vos souvenirs d’enfance. Force est de constater que la magie du lieu opère toujours, à regarder la joie et la précipitation d’Alexia et de Guillaume, lancés dans une course effrénée. Tiendront-ils la cadence sur 107 mètres ? Pas sûr.
Au sommet, malgré la foule, le paysage de l’entrée du Bassin d’Arcachon et du banc d’Arguin se révèle majestueux. Les parapentes multicolores, toujours nombreux en cette période de l’année, donnent parfois l’impression de se frôler dangereusement.
« Il vont crasher, c’est sûr » fait remarquer Guillaume, qui filme avec son smartphone le ballet des oiseaux de toile, en attente d’un improbable accident.
Après la descente du gros tas de sable, plus rapide et plus fun, vous acceptez de bon cœur de poser devant l’objectif de votre mari à l’entrée du camping de la Dune, qui a servi de décor à la série de films populaires Camping, avec Franck Dubosc. D’ailleurs, vous constatez tout de suite que vous n’êtes pas les seuls à avoir eu cette idée.
Mercredi 12 août
Même en vacances, Alexia considère que le mercredi est la journée des enfants. Après avoir épluché la documentation touristique laissée dans la villa, elle procède à une sélection rigoureuse du parc de loisirs susceptible de répondre à ses attentes. La Coccinelle à Gujan-Mestras ? Pas mal, mais on dirait que le parc se destine surtout aux plus petits. L’Aqualand Bassin d’Arcachon, situé juste à côté ? Mouais, mais ça oblige à être mouillée tout le temps.
Sur votre application Google Maps, vous venez à son aide et vous identifiez, dans le même périmètre, Kid Parc Ile d’Aventures, qui propose des attractions, des jeux et même des spectacles. Largement de quoi passer une journée de détente. Alexia se saisit de votre smartphone, ouvre de grands yeux et finit par vous regarder, visiblement conquise.
De son côté, votre fiston Guillaume accepte l’invitation de vos co-vacanciers de s’initier au surf à la page du Grand Crohot. Les quelques écoles présentes sur place assurent les cours et fournissent le matériel et les combinaisons.
Pour vous et Alexia, c’est une vraie journée de vacances, ponctuée de rire et de complicité.
À votre retour à la villa, le bilan est plus mitigé s’agissant de Guillaume.
« En deux heures, j’ai compté 28 chutes dans la mousse ! Il a un don, aucun doute » vous raconte, hilare, le père de Margaux. Un rapide coup d’œil en direction de Guillaume confirme votre crainte : il fait la tronche comme il ne l’a jamais faite, d’autant plus que vous apprendrez plus tard que Margaux s’est parfaitement bien débrouillée, presque prête à partir à l’assaut des vagues. S’il avait nourri l’ambition de l’impressionner sur la planche, c’est raté. Son amour propre accuse une chute d’au moins 40%, mais il s’en remettra.
Jeudi 13 août
Le temps gris et la chute assez brutale des températures vous obligent à improviser. Après un nouveau conseil de famille (bien sûr sans Guillaume, qui essaye de renouer avec Christyntje via WhatsApp), vous optez pour une visite thématique du bassin d’Arcachon, celle des cabanes.
Contrairement à ce qu’auraient pu attendre votre mari et votre fille, ce ne sont pas les cabanes ostréicoles qui ouvrent le bal, mais celles de Biganos.
« Pouah, ça sent pas bon ! » s’exclame Alexia dans la voiture. Effectivement, une odeur de choux mal cuits et d’œuf pourri envahit rapidement l’habitacle. Soupçonneuse, vous tournez machinalement la tête vers votre mari, qui vous regarde, étonné. Allez, une rapide recherche sur Internet vous apprend que Biganos (en fait Facture, située à côté) accueille l’usine Smurfit Kappa, dédiée à la production de papier kraft, mais aussi réputée pour générer cette désagréable odeur, due au sulfure d’hydrogène (oui, celui qui entre dans la composition des boules puantes).
Arrivés au port de Biganos, Christophe continue de renifler ses vêtements et ordonne de laisser toutes les vitres de la voiture baissées. Pour votre part, vous êtes déjà sous le charme de l’endroit.
Le port se situe sur le delta de la Leyre, influencé par le Bassin, qu’il relie, et la rivière, qui l’alimente. Ici, les poissons de mer et d’eau douce se retrouvent dans une eau saumâtre, que l’on dit d’excellente qualité. Les bateaux de plaisance remontent parfois l’Eyre pour rejoindre le bassin, à travers un paysage sauvage et préservé, où les roseaux, les saules et les baccharis se développent en toute quiétude.
« On aurait pu faire une balade en canoë », regrette Alexia en voyant les petites embarcations jaunes rangées sur la rive.
C’est vrai, mais la découverte des cabanes multicolores vous incite plutôt à vous en approcher. Ces petites maisons de bois ont été construites par les paysans de Biganos, qui abandonnaient un peu leurs terres en hiver pour se consacrer à la pêche. Elles permettaient de stocker le matériel, de préparer les repas et de faire face aux intempéries (et plus difficilement aux épisodes de crue).
Les cabanes n’ont été peintes que bien plus tard, lorsque le port a été classé en zone protégée dans les années 1990. Cette multitude de couleurs participe à la beauté de l’endroit, qui cherche à rester confidentiel.
Port de Biganos – Crédit photo: FranceSudOuest
Ce moment de quiétude vous accompagne tout au long du trajet jusqu’à Andernos-les-Bains, réputé pour son port ostréicole de 44 cabanes. La visite vous permet d’en apprendre davantage sur le processus d’affinage et de finition des huîtres. Alexia s’étonne de la présence de ces nombreuses piscines, mais vous lui indiquez qu’il s’agit en fait de bassins dégorgeoirs, remplis d’eau de mer à la qualité irréprochable. C’est d’ailleurs la dernière étape avant la consommation.
« Et si justement on allait en déguster une p’tite douzaine, avec un bon verre de blanc sec ? » propose votre mari.
« Ah beurk, j’aime pas les huîtres ! » proclame Alexia. « J’espère qu’ils ont un menu enfant. »
Vous lui expliquez que les cabanes ne sont pas des restaurants, mais des lieux de vente gérés par les producteurs. Elle pourra quand même se régaler de crevettes, de bigorneaux et même de pâté !
Sur la terrasse en bois, le deuxième verre d’Entre-Deux-Mers vous tourne un peu la tête. Vous appréciez votre repas, la vue magnifique du Bassin, le retour des bateaux de pêche et l’ambiance détendue du lieu. Seule Alexia semble contrariée.
« J’ai encore faim », finit-elle par avouer.
Pas de souci. Après le déjeuner, vous décidez de longer la plage d’Andernos jusqu’à la jetée, derrière laquelle se tiennent suffisamment de crêperies, restos ou pubs pour sustenter un régiment. Votre fille se calme assez rapidement après avoir englouti une crêpe qui déborde de Nutella et de Chantilly.
C’est le moment d’impressionner votre petite famille en lui annonçant le départ imminent du bateau qui vous mènera jusqu’à l’île aux Oiseaux, dernière étape de votre parcours thématique. C’est fois-ci, ce sont les célébrissimes cabanes tchanquées du bassin qui attireront votre curiosité et votre objectif photo.
Juste le temps de recevoir un bisou admiratif de votre fille et vous vous dirigez au petit trot vers la jetée Louis David, qui, par manque de chance, est la plus longue du Bassin avec ses 232 mètres. Au bout, un petit bateau attend ses derniers passagers avant de mettre le cap à l’ouest.
Pendant le trajet, vous expliquez à Alexia que les cabanes tchanquées constituent en quelque sorte l’identité du bassin d’Arcachon. Elles portent ce drôle de nom en référence aux chancas, les échasses en gascon puisque les deux maisons reposent sur des pilotis.
La toute première a été édifiée sur un banc de sable en 1883 par Martin Pibert, ostréiculteur. Elle servait avant tout à surveiller les parcs à huitres, en offrant une impressionnante perspective du domaine ostréicole. Une grosse tempête la désagrège en 1943 et ses quelques vestiges (essentiellement les piliers) se découvrent à marée basse.
Néanmoins, le Bassin ne reste pas longtemps privé de cabane tchanquée puisqu’un charpentier d’Arcachon, Landry, entreprend la construction d’une nouvelle au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Reconnaissable grâce à sa teinte marron et ses volets rouges, elle se situe non loin de la première, dont elle reprend l’architecture.
En 1948, c’est au tour de Julien Longau, maire-adjoint aux travaux de La Teste et entrepreneur, d’ériger la sienne, juste à côté de celle de M’sieur Landry.
Bien sûr, vous les avez vues des dizaines de fois en photo ces fameuses cabanes tchanquées, mais les observer à toute proximité vous impressionne quand même. C’est un peu le sentiment d’approcher une star de cinéma.
« On peut les visiter ? » demande Alexia, elle aussi subjuguée.
« Non, elles sont fermées au public » répondez-vous, un peu désolée.
La maison aux volets blancs – Crédit photo : Grand Parc – Bordeaux – CC BY 2.0
Il s’en est pourtant fallu de peu, puisque la deuxième maison, cédée en 1988 à la commune de La Teste, devait se transformer en musée, après avoir reçu de très importants travaux. Mais le projet n’a pas enthousiasmé le nouveau maire élu en 2008, ce dernier n’envisageant que les contraintes liées aux visites : marées, navettes, nombre réduit de visiteurs.
Si les cabanes tchanquées attirent tous les regards, il convient de rappeler quand même que l’ile aux Oiseaux en accueille une cinquantaine d’autres, réparties entre différents « quartiers » : Port de l’Île, Afrique, Îlot, Saous et Truc Vert. Certes, elles ne sont pas dotées de piliers, mais leur charme reste intact.
De retour à la villa, Alexia se charge de résumer votre journée à vos voisins avant de rejoindre son frère et Margaux dans la piscine. Une douce soirée estivale s’annonce.
Vendredi 14 août
C’est le dernier jour de vos vacances en Gironde et vous constatez que vous n’avez pas encore posé la serviette sur une plage du littoral.
« C’est quand même un peu dommage » fait remarquer votre mari, qui regarde tristement son maillot de bain tout neuf.
Soit, mais vous n’envisagez quand même pas la journée entière sous le parasol. Un compromis s’impose en conseil familial. La matinée se consacrera à la visite de la réserve ornithologique du Teich, située à quelques kilomètres, et l’après-midi permettra de rejoindre la plage de la Lagune, au Sud de la dune du Pilat.
Afin d’inciter votre fiston à vous rejoindre, vous promettez un très bon déjeuner au restaurant de la plage, réputé pour ses gigantesques burgers.
« Est-ce que Margaux peut venir ? » qu’il demande, sans même vous regarder.
« Si elle aime les oiseaux. »
Ouverte en 1972, la réserve s’étend sur une grosse centaine d’hectares. Son environnement se compose de prairies, de petites forêts, de lagunes et bien sûr de marais maritimes, au regard de sa proximité avec le Bassin d’Arcachon.
La réserve offre l’opportunité, pour les visiteurs, d’observer les 363 espèces ou sous-espèces d’oiseaux qui la fréquentent lors des épisodes de migration. On peut notamment y voir des cygnes chanteurs, des bernaches du Canada, des canards à front blanc, des hirondelles rousselines, des goélands et même des chouettes hulottes.
Certes, l’été n’est peut-être pas la saison idéale d’observation puisque deux grandes périodes remplissent le calendrier de réservations de la réserve :
– La migration prénuptiale, de fin janvier à début juin. – La migration postnuptiale, de juin à décembre.
Néanmoins, la diversité des espèces qui viennent souffler quelques heures ou quelques jours à la réserve permet de les admirer tout au long de l’année. La période estivale est également celle de la fin de la nidification, au cours de laquelle les poussins de râle, nés sur place et devenus plus forts, quittent le nid pour affronter leur destin.
Un râle d’eau et son petit, aperçus à la réserve du Teich – Crédit photo : Cédric Deplanque – Flickr
La visite s’organise autour d’un sentier en boucle de 6 km, permettant de traverser tous les types de paysage.
Armée de ses jumelles, Alexia se montre ravie, d’autant plus lorsqu’elle aperçoit la première des vingt cabanes d’observation.
« Maman, tu aurais pu l’inscrire dans notre programme d’hier ! »
Charmante enfant. De son côté, Guillaume fait mine de viser les lointains oiseaux, un œil ouvert, l’autre fermé.
« Avec un fusil de chasse, on ferait un beau carton ici ! » plaisante-t-il.
Vous vous promettez, une fois rentrée à Gentilly, de faire des recherches approfondies sur l’âge bête qui touche les ados, le vôtre en étant particulièrement victime.
Trois heures plus tard, le petit groupe sort enchanté de la réserve. Votre mari a pu profiter de son objectif à longue focale, même si les premières photos qu’il vous montre semblent un peu floues.
« Mais non ! » rétorque-t-il vexé.
En début d’après-midi, après avoir gavé les enfants de hamburgers, de frites et de glaces, vous atteignez enfin votre territoire hautement touristique : la plage. Et vous n’êtes pas déçue. Des centaines de vacanciers ont pris assaut du sable blond, en restant proches de la zone de baignade surveillée. C’est un feu d’artifice de parasols, de tentes Décathlon, de serviettes multicolores et vous vous dites que c’est aussi ça, les vacances.
Ravie, vous trouvez un périmètre à peu près convenable, pas trop éloigné de l’eau.
« Il paraît qu’il y a des naturistes pas très loin d’ici, c’est sympa » annonce Guillaume à Margaux, qui se contente de lever les yeux au ciel.
« En tout cas, il n’y a pas de vagues et tu ne vas pas pouvoir surfer. C’est pas de chance » lui rétorque son père.
Margaux affiche un grand sourire.
Alexia s’est déjà rapprochée de l’océan pour chercher de l’eau et entreprendre la construction d’un château de sable. Votre mari regarde désespérément l’écran de son appareil photo pour constater que TOUTES ses photos sont floues. Guillaume et Marion se précipitent vers la mer, où ils resteront longtemps.
Quant à vous, vous vous réjouissez du spectacle que peut offrir une plage en pleine saison estivale. Des enfants qui rient, d’autres qui courent avec les parents derrière, qui courent aussi en criant, les MNS qui utilisent leur sifflet toutes les 10 minutes (d’ailleurs, l’un d’eux a concerné Guillaume), les familles nombreuses, les jeunes couples qui s’embrassent sous le soleil, les grands-parents qui longent la plage, les pieds dans l’eau, les hommes un peu trop gros qui rentrent le ventre, les femmes qui décident finalement de se passer du haut de leur maillot de bain, les visages rouges frappés un coup de soleil…
Bref, vous nagez en plein cliché et ça vous ravit.
Samedi 15 août
Il est 10 heures et vous terminez l’inspection de votre appartement en compagnie du propriétaire, qui vous rend votre chèque de caution.
La voiture a englouti tous vos bagages.
Guillaume s’attarde auprès de Margaux, dont les vacances se terminent. Peut-être se retrouveront-ils à Gentilly. Peut-être pas.
Pour votre part, une semaine supplémentaire de congés payés vous attend dans les Cévennes. Une charmante location au milieu de nulle part, avec une grande piscine (non mitoyenne cette fois) et, paraît-il, une vue extraordinaire sur les collines et les forêts.
Ce seront des vacances plus paisibles et plus familiales. Bien sûr, vous êtes ravie de cette perspective, mais, bizarrement, après que votre mari ait enclenché la première et que la voiture ait parcouru ses premiers mètres, vous continuez de fixer le rétroviseur, le cœur un peu serré, alors que la villa s’éloigne.
« On pourrait revenir en Gironde l’année prochaine, ici ou dans un autre lieu » proposez-vous enfin à la famille, qui approuve immédiatement votre idée. Seul Guillaume reste complètement détaché, les yeux rivés sur son smartphone. Il faut dire que le père de Margaux vient de lui envoyer les photos de sa session de surf.
Tempêtes, grandes marées, érosion, surfréquentation… Malgré son exceptionnel gabarit, la dune du Pilat ne cesse de reculer, parfois plus rapidement que le trait de côte.
Olivier Sorondo 6 juillet 2020 – Dernière MAJ : le 23 mai 2022
Crédit photo : Christian Bachelier – Flickr
Un monstre de sable en mouvement
L’identité des plages d’Aquitaine repose en partie sur le cordon dunaire, qui représente un piège à sable permettant non seulement de freiner l’érosion, mais aussi d’empêcher l’ensablement de la forêt de pins maritimes.
La constitution de ces dunes dépend d’abord du rôle joué par l’océan. Il dépose sans relâche le sable sur les plages, que le vent se charge ensuite de pousser vers la forêt. Les premiers obstacles, comme la végétation (de type chiendent des plages), facilitent enfin l’accumulation du sable et génèrent, au fil du temps, des dunes bordières.
« Amortisseur de l’énergie marine, « piège à sable » qui protège l’arrière-pays, réservoir de biodiversité, le massif dunaire est une composante originale et attractive du paysage » indique à ce titre le site de l’Observatoire de la Côte Aquitaine.
À l’entrée du bassin d’Arcachon, l’impressionnante dune du Pilat répond aux mêmes phénomènes naturels. Sa dimension exceptionnelle s’explique avant tout par la proximité du banc d’Arguin, composé d’îlots sableux qui constituent une formidable réserve de sable fin.
La dune adopte par ailleurs une forme asymétrique. La face exposée à l’océan révèle une pente douce. Les grains de sable, poussés par le vent depuis le banc d’Arguin, remontent en effet cette pente pour atteindre le sommet de la dune et se déverser sur l’autre face, à la pente beaucoup plus raide.
Haute de près de 110 mètres, frôlant les 3 kilomètres de long pour 616 mètres de large, la dune du Pilat témoigne de 4000 ans de variations climatiques. Aujourd’hui, sous l’effet des vents dominants et des marées, elle continue de se déplacer vers l’Est, grignotant chaque année quelques mètres de forêt. Le versant Ouest subit quant à lui la pression de l’océan, surtout lors des épisodes de tempête.
L’érosion comme adversaire… ou partenaire
Le 2 mars dernier, Le Monde publie un article au titre évocateur : « La moitié des plages du monde pourraient disparaître d’ici à la fin du siècle ». La journaliste, Audrey Garric, cite ainsi le rapport du GIEC, dont les résultats « montrent que l’érosion des plages sableuses, déjà importante aujourd’hui, va s’aggraver à l’avenir. Une étude parue en 2018 estime que près d’un quart d’entre elles subissent un retrait supérieur à un demi-mètre par an. »
La principale raison est liée au réchauffement climatique, qui accélère la montée des eaux. Les phénomènes de grandes marées et les épisodes récurrents de tempête contribuent également à abîmer le littoral.
En France, un quart des côtes est touché par l’érosion, selon l’étude Eurosion publiée en 2004. Plus localement, les tempêtes hivernales de 2013 et 2014 ont fortement érodé la côte sableuse aquitaine, et particulièrement en Gironde. Par endroit, le trait de côté a reculé de plus de 20 mètres.
Si les moyens de lutte se révèlent à court terme particulièrement coûteux et modérément efficaces, la prise de conscience du caractère immuable de l’érosion peut aussi correspondre à une décision politique. À Lacanau, l’équipe municipale considère sérieusement le projet d’une relocalisation, consistant à acquérir puis à détruire les immeubles du front de mer avant qu’ils ne soient touchés par l’océan.
Une telle démarche de repli stratégique s’avère bien sûr impossible pour la dune du Pilat, pourtant confrontée elle aussi à l’érosion de sa plage, principalement sur la partie Nord. Le littoral situé plus au Sud semble en revanche moins touché ces dernières années, même si la prudence s’impose.
Ainsi, en décembre 2019, les grandes marées et les fortes tempêtes ont généré une importante érosion du littoral de La Teste-de-Buch et créé de nouvelles falaises de sable. La plage de la Corniche, au pied de la dune, n’a certes pas été impactée, mais la grosse houle de février 2020 a emporté les protections en béton et contribué à l’effondrement des perrés.
Conséquences des fortes tempêtes de décembre 2019. Ici, plage de la Lagune, non loin de la dune – Crédit photo: Eric Constantin, Twitter ONF Aquitaine
Un (trop) grand succès touristique
La dune du Pilat peut être considérée comme le site emblématique de Gironde. Ce véritable iceberg de sable attire chaque année plus de deux millions de visiteurs et près de 16 000 touristes par jour en pleine saison.
Si son accès reste gratuit, le parking situé à proximité est en revanche payant. Le site dégagerait ainsi un chiffre d’affaires de 13 M€, complété par la vente de souvenirs. Les recettes indirectes se chiffreraient quant à elles à plus de 150 M€, un montant astronomique justifiant pour certains de préserver la manne touristique, voire même de l’amplifier. Il est ainsi prévu de construire un second parking, pour une capacité d’accueil de 1600 places (contre 750 aujourd’hui).
C’est pourtant la dune elle-même qu’il conviendrait de préserver davantage. Malgré son imposante présence, elle intègre un écosystème complexe et fragile.
« C’est difficile à quantifier, mais on sait que le tourisme de masse a un impact. Le sable s’envole dès qu’il y a du vent, mais en présence de touristes, c’est encore pire » constate Jacques Storelli, ancien président de l’association de défense et de promotion de Pyla-sur-Mer, interrogé dans l’émission Capital (juillet 2019).
Aux alentours, le flux incessant des voitures contribue également à dégrader l’environnement, les véhicules se garant sur le bas-côté de la route, parfois sur une distance supérieure à un kilomètre. Sans même évoquer le risque d’incendie…
Mener une action publique de sauvegarde du site
Attaquée par les éléments naturels et menacée par la surfréquentation, la dune du Pilat nourrit depuis déjà longtemps la réflexion des pouvoirs publics. En 1940, l’État décide de protéger une partie du site contre l’urbanisation du littoral. Le périmètre de protection est d’ailleurs étendu en 1994, permettant le classement de près de 7000 hectares du massif forestier environnant.
Plus récemment, une proposition de loi tendant à réguler l’hyper-fréquentation des sites naturels et culturels patrimoniaux a été adoptée au Sénat et soumise à l’Assemblée nationale. Son vote définitif représenterait un outil précieux pour les maires concernés, qui seraient autorisés à mieux réguler le flux des touristes.
« Il y a eu une époque où nous courions après le tourisme… sauf que les hyper-fréquentations ne peuvent plus être d’actualité » déclare ainsi Jérôme Bignon, le sénateur à l’origine du texte de loi, à France 3 Nouvelle-Aquitaine. Son collège Hervé Gillé, sénateur de Gironde, ne dit pas autre chose : « On assiste aujourd’hui à la création de spots touristiques qui subissent des pressions environnementales importantes alors que ce sont des sites sensibles. »
De son côté, le Conservatoire du littoral mène depuis quelques années une ambitieuse opération de nationalisation de la dune du Pilat et de sa forêt proche. La tâche s’annonce ardue puisque le site se compose en partie de 177 parcelles privées, qu’il convient d’identifier puis de racheter. Aujourd’hui, plus de la moitié a déjà été acquise. Quelques réticences se font jour lorsque ces propriétés accueillent des cabanes de résiniers rénovées au fil des ans et servant de logement estival.
D’autres initiatives sont également à l’étude, à l’instar de celle consistant à privilégier la navette entre la dune et un parking relais, situé plus en retrait. Pour l’ancien maire de La Teste, Jean-Jacques Eroles (battu aux élections municipales de 2020), la mise en place d’un système de quota permettrait de limiter le nombre de touristes, dans la même idée que la proposition de loi soumise au vote du Parlement.
Contrer l’érosion en crachant du sable
Enfin, la préservation du site passe aussi par les opérations de réensablement des plages du Pilat menées tous les deux ans. La drague « Côtes de Bretagne » aspire près de 200 000 m3 de sable déposés sur le banc du Bernet avant de les projeter sur les 4 kilomètres de littoral.
« Même si cette opération permet effectivement de lutter contre l’érosion, notre mission est d’abord de maintenir les usages sur le plan d’eau. Il s’agit d’abord de maintenir la navigation pour les pêcheurs et les ostréiculteurs qui empruntent cette voie pour aller à Arguin, car il y a des secteurs où vous ne passeriez plus en bateau, tellement le secteur s’ensable. Deuxièmement, cette opération permet de réinstaurer un sentier du littoral, pour que l’on puisse continuer à longer la plage. Et le troisième usage, c’est bien entendu l’activité balnéaire » explique Isabelle Laban, directrice de la communication du Siba, à Mickaël Bosredon, du journal 20 Minutes (10/02/1968).
Un recul inéluctable
Que les amoureux de la dune se rassurent : il est peu probable qu’une tempête, aussi puissante soit-elle, vienne décapiter notre gros tas de sable préféré. Au pire, quelques mètres disparaîtront, rapidement reconstitués au gré des rafales de vent, à même de charrier les volumes de sable du banc d’Arguin.
Non, la menace (ou peut-être faudrait-il écrire la fatalité) prend ici la forme du recul que concède la dune chaque année. En 50 ans, ce recul s’est établi à plus de 200 mètres. « Aujourd’hui, sa fixation n’est plus envisagée. Sa progression est inéluctable et participe à son caractère remarquable. Aucune action entreprise ne pourra limiter l’avancée dunaire. Malgré de nombreuses tentatives passées pour la stabiliser, la dune du Pilat reste mobile et « roule » sur elle-même » précise Le Syndicat mixte en charge du site.
L’Observatoire de la Côte Aquitaine assure pour sa part un suivi topographique depuis 2009 en vue d’alimenter une base de données au fil des années. Le travail permettra d’obtenir une vision en trois dimensions de l’évolution de la dune et d’identifier les déplacements des volumes de sable pour affiner la prédiction de son « déplacement ».
Inexorablement, la dune recule et avale un peu plus de forêt chaque année – Crédit photo: Lena Glockner – Flickr
Au final, la célèbre dune du Pilat ne constitue pas l’infranchissable barrière que laisserait deviner sa taille. Moins forte que l’érosion, soumise aux tempêtes, fragilisée par l’hyper-fréquentation, elle concède chaque année quelques mètres de littoral, au grand dam des gérants de campings situés à ses pieds.
Sans aucune possibilité de la stabiliser, l’action fataliste des pouvoirs publics se limite finalement à sa préservation à long terme, au cœur d’une nature rendue plus sauvage et selon un tourisme redevenu raisonnable.
Quelle est la propriété des boues thermales de Dax ?
Réputées depuis l’Antiquité pour leur action bénéfique sur l’arthrose ou les rhumatismes, elles soulagent près de 60 000 curistes chaque année.
Olivier Sorondo – 13 juin 2020 – Dernière MAJ : le 16 juin 2020 à 21 h 39 min
C’est pour votre bien – Crédit photo: Grand Dax, Tourisme et Thermalisme
Comme un don de la nature
Il n’est pas un Dacquois qui ne connaisse pas la légende de sa ville, d’ailleurs symbolisée par une statue située sur la place de la Cathédrale.
Lors de l’occupation romaine, un légionnaire en garnison à l’endroit où allait bientôt se dresser la ville d’Aquae Tarbellicae (puis Dax !) se désolait de voir son vieux chien souffrir de ses rhumatismes. La mort dans l’âme, il prit la décision de le jeter dans l’Adour, soucieux d’abréger ses douleurs.
À son retour de campagne, quelques mois plus tard, quelle ne fut pas sa surprise de voir son compagnon à quatre pattes se précipiter vers lui, visiblement ragaillardi. Le chien avait en effet dérivé le long de la rivière, jusqu’à s’immobiliser dans des flaques de boue pour y retrouver une seconde jeunesse.
La réputation des boues thermales de ce petit coin de Gaule s’envola à travers tout l’Empire romain, contribuant à édifier une cité thermale toujours active aujourd’hui.
Le Dr Maurice Delmas, dans son ouvrage « Dax, ses eaux, ses boues, ses indications thérapeutiques » publié en 1898, apporte un semblant d’explication : « Séparée en deux parties bien distinctes par un fleuve, l’Adour, la ville de Dax est surtout remarquable par l’abondance et la haute thermalité de ses sources. Plus de vingt millions de litres d’une eau à 6o° centigrades sortent journellement des griffons des différentes sources. On peut donc dire d’une façon pittoresque que Dax est arrosée extérieurement par un fleuve froid, l’Adour, tandis que sous elle passe un torrent d’eau chaude. L’eau minérale hyperthermale a été de tout temps la cause de la notoriété de la cité de Dax ; c’est elle qui donne naissance aux boues végéto-minérales si justement appréciées dans le traitement des manifestations rhumatismales. »
À boue (bien) portant
À quoi tient donc ce miracle géologique ? Eh bien, il dépend d’abord de la rencontre du limon déposé sur les berges de l’Adour et de l’eau thermale souterraine, qui remonte par endroit. Des excavations boueuses se forment ensuite, elles-mêmes soumises au doux climat de la région, propice à l’émergence de l’algue bleue. Cette cyanobactérie, aussi vieille que notre bonne terre, utilise le soleil pour générer du dioxygène selon le mécanisme de photosynthèse.
La célèbre Fontaine chaude de Dax, avec son eau à 64°C – Crédit photo: AubdaX — Travail personnel – CC BY-SA 4.0
La microalgue qui apporte toute sa spécificité à la boue dacquoise appartient à la famille des Clostridium bifermentans, bactéries du cycle du soufre. « Ces bacilles Gram+ » anaérobies transforment les sulfates de l’eau minérale en sulfures. La transformation donne à la boue une coloration foncée et une odeur caractéristique » nous apprend ainsi le rapport de l’ENSP consacré aux boues thermales (Gwladys François, Anne Micollier, Isabelle Rouvié – 2005).
C’est d’ailleurs cette coloration particulière qui donne à la boue le nom de péloïde, tiré du grec : pélos (noirâtre) et eidos (aspect).
Et voilà, le péloïde constitue le cœur de l’activité thermale de Dax depuis déjà de nombreux siècles, selon la même recette : limon, eau chaude thermale, algue bleue.
Des bienfaits concrets et pérennes
L’application du péloïde chaud sur le corps du curiste promet un effet décontractant et le soulagement des couleurs. « Grâce à leurs propriétés stimulantes, les boues ont un effet bénéfique sur les échanges au niveau du cartilage, mais aussi sur le tonus musculaire. Leurs propriétés résolutives vont résorber les inflammations articulaires chroniques ou les lésions dégénératives des articulations. Les propriétés sédatives vont participer à la détente des contractures musculaires » précisent les auteures du rapport de l’ENSP Rennes.
Le péloïde génère une relaxation immédiate des muscles contracturés. La chaleur et l’action biochimique assouplissent la peau, permettent la dilatation des pores et contribuent au passage transcutané des éléments actifs (c’est là qu’on retrouve notre cyanobactérie).
Il s’ensuit, on le devine aisément, un sentiment de bien-être, surtout chez les personnes souffrant d’arthrose, de rhumatisme. Ces dernières, au terme de leur séjour thermal, retrouvent davantage de facilité à se mouvoir et réduisent leur consommation médicamenteuse.
La boue thermale vient également en aide aux curistes sujets à la fibromyalgie, à l’ostéoporose. On l’utilise aussi dans des cas de traumatologie et à la suite de chirurgie orthopédique.
Indispensable Régie municipale des eaux et des boues
À Dax, le péloïde est considéré comme une ressource très précieuse. Sa gestion revient à la Régie municipale, qui assure toutes les étapes du processus, de l’extraction à la vente en sacs de 10 kg aux établissements thermaux.
Cette première opération de prélèvement s’effectue en été, période au cours de laquelle l’accès aux carrières est rendu plus facile. Il s’avère nécessaire de creuser entre 2 et 9 mètres avant d’accéder au limon fossile, situé les alluvions.
Le limon est ensuite mélangé à l’eau thermale, tamisé et placé dans le fermenteur. On y ajoute ensuite la microalgue, désormais cultivée sous serre pour renforcer ses éléments actifs. Cette étape de maturation se déroule sur six jours.
Enfin, le péloïde est conditionné puis livré aux établissements dacquois.
La Régie, soucieuse de la pérennité de sa matière première, a initié depuis déjà quelques années une politique de développement durable. Le limon utilisé est récupéré puis redéposé sur son lieu de forage. Les carrières font quant à elles l’objet d’aménagements paysagers.
Il s’agit après tout d’un juste retour à la nature pour cette boue que l’on dit unique au monde, capable de soulager les corps fatigués depuis l’Antiquité.
Enraciné dans la culture gasconne, l’airial peut être défini comme un îlot de vie au cœur de la lande puis de la vaste forêt de pins maritimes.
Olivier Sorondo 1er juin 2020 – Dernière MAJ : le 14 novembre 2020
Airial de Bouricos, à Pontenx-les-Forges – Crédit photo: Jibi44, CC BY-SA 4.0
Un patrimoine landais
S’il s’avère assez difficile de dater avec précision la naissance des premiers airiaux, certainement au Moyen-Âge, il est plus évident de déclarer qu’ils symbolisent l’identité du territoire appelé à devenir le département des Landes.
L’étymologie du mot « airial » apporte en ce sens de précieuses informations. Il est dérivé du latin « area », qui désigne une surface, un sol uni ou même un emplacement pour bâtir. En gascon, le terme s’apparente à « airiau » ou « ayrial ».
L’airial landais apparaît donc comme une oasis au cœur d’un environnement de prime abord hostile.
Ainsi, avant la vaste campagne de plantations de pins initiée au XIXe siècle, l’airial accueille quelques fermes, situées à proximité l’une de l’autre et entourées par la lande marécageuse. L’activité y est essentiellement agropastorale.
C’est un lieu de (sur)vie, souvent boisé, agrémenté de quelques champs cultivés permettant aux communautés de se nourrir. Du fait de la pauvreté du sol, l’activité est essentiellement tournée vers l’élevage de moutons.
Vers les années 1850, le projet ambitieux suivi par François Jules Hilaire Chambrelent modifie en profondeur la physionomie du territoire. L’ingénieur initie en effet la plantation de pins maritimes, particulièrement bien adaptés au sol sablonneux. Son initiative, reprise par bon nombre de propriétaires locaux et saluée par l’empereur Napoléon III, permet de donner naissance à la gigantesque forêt des Landes de Gascogne.
De fait, l’airial s’adapte. L’espace boisé disparaît au profit d’une clairière recouverte d’une pelouse impeccable, où subsistent des chênes pédonculés et tauzins. Les quelques maisons d’habitation s’entourent de dépendances, de bâtiments à vocations diverses et de potagers.
De l’importance de la communauté
L’émergence rapide et massive de la forêt landaise bouleverse profondément la vie des bergers. L’activité d’élevage et de pâturage des moutons disparaît progressivement au profit de celle de gemmage et d’exploitation du bois, beaucoup plus rémunératrice.
L’airial se réorganise, de manière communautaire et parfaitement structurée. Au centre s’installe la maison de maître, dévolue au propriétaire et à sa famille. Non loin, les maisons (ou « oustaus ») plus modestes reviennent aux métayers.
« Le métayage est une association de personnes dans lequel l’un apporte la totalité de la terre ainsi que tout ou partie de l’exploitation, tandis que l’autre apporte son travail et le complément éventuel du capital d’exploitation » écrit à ce propos Pierre Fromont (1896-1959), professeur d’économie rurale.
Sur place, les maisons d’habitation s’entourent de nombreuses dépendances (bergerie, grange, hangar…). On y trouve également d’autres équipements et surfaces utiles à la vie de la communauté : puits, four à pain, poulailler, loge à cochon, ruches, potagers…
Même s’ils forment un quartier, les airiaux ne peuvent pas être considérés comme des villages ou des hameaux. Isolés au sein de la gigantesque forêt, ils n’intègrent aucun commerce, église ou mairie et restent étrangers à la notion de bourg.
Cet isolement encourage sûrement l’esprit communautaire et d’entraide. Ainsi, le maître des lieux n’hésite pas à partager le four à pain avec ses métayers. Chacun contribue à l’entretien des potagers, où poussent des pommes de terre, du chanvre et des plantes médicinales. Les femmes se regroupent pour filer la laine. Les hommes partagent l’entretien des machines à outils.
Les saisons s’accompagnent de leurs festivités, comme la « tuaille » du cochon ou la célébration de la fête de la Saint-Jean, auxquelles tout le monde participe.
De fait, les habitants de l’airial ont su développer au fil du temps une véritable organisation autarcique.
Découvrir un airial aujourd’hui
Malgré leurs siècles d’existence et leur remarquable capacité d’adaptation, les airiaux ont fini par s’éteindre au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, victimes d’un modèle économique révolu.
Le patrimoine a fort heureusement subsisté. Il en resterait ainsi quelques milliers entre Adour et Garonne.
Certains ont été acquis par des propriétaires privés, coupables de restaurations hasardeuses, sans nuance, à base de béton.
D’autres ont été conservés ou reconstitués, à l’instar du célèbre écomusée de Marquèze à Sabre. Sur place, le public se plonge corps et âme dans la micro-société de l’airial, tout en profitant des expositions, des diverses animations et des conférences. Depuis 1969, l’écomusée contribue grandement à la pédagogie autour de la vie des landes.
Enfin, des airiaux plus modestes jalonnent différents circuits touristiques, que l’on parcoure en VTT ou à pied.
Les amoureux de patrimoine traditionnel peuvent même passer leurs vacances dans des écogîtes, nés cette fois d’une restauration réussie. Repos et tranquillité absolue garantis !
Créé en 1991, le Conservatoire des Races d’Aquitaine nourrit la noble ambition de sauvegarder et valoriser la variété des animaux domestiques d’élevage. Une action de longue haleine.
Olivier Sorondo 17 mai 2020 2023 – Dernière MAJ : le 4 février 2022
Crédit photo : Conservatoire des Races d’Aquitaine
Et si l’identité d’une région dépendait aussi de ses animaux ?
L’exemple du porc basque illustre à lui seul la nécessité de mener le combat en faveur de la conservation des races locales.
Durement frappé par la déforestation initiée au 20e siècle qui le prive de la source principale de son alimentation, le porc Pie Noir, élevé en semi-liberté, disparaît progressivement des montagnes basques. Sa quasi-extinction ne semble pas susciter d’émotion particulière, d’autant que les éleveurs privilégient d’autres races plus productives.
En 1988, Pierre Oteiza, producteur et salaisonnier, retrouve une vingtaine de truies et deux verrats. Associé à quelques autres producteurs de la vallée des Aldudes, il fonde l’association du Porc Basque et décide de lancer un élevage de conservation de la race. Aujourd’hui sauvé, le Pie Noir est élevé et engraissé sur une période de 18 mois. L’animal est à l’origine du jambon de Bayonne Kintoa, détenteur de l’AOC depuis 2016.
Le porc basque a bien sûr rejoint la liste des races d’Aquitaine placées sous la vigilance de l’Observatoire. L’association, fondée en 1991, mène de multiples missions en faveur de la sauvegarde et la pérennisation de la biodiversité des animaux d’élevage.
Pour chaque race suivie, le Conservatoire coordonne les études zootechniques, écologiques et sociologiques, en lien avec différents instituts techniques et scientifiques (INRA, institut de l’élevage, FranceAgrimer…).
La relation étroite entretenue avec les éleveurs permet de leur fournir différents conseils et d’identifier les meilleurs reproducteurs pour la constitution de cheptels en race pure ou à des fins de cryoconservation des semences.
Le Conservatoire cherche aussi à sensibiliser le public aux races menacées ou protégées en participant à de nombreux comices, foires agricoles ou colloques.
Il s’agit enfin de mener différentes actions de valorisation écologique, touristique ou pédagogique.
De la vache bazadaise au dindon gascon
Une vingtaine d’espèces compose le « cheptel » du Conservatoire des races d’Aquitaine.
Ainsi, la vache bazadaise, originaire du secteur de Bazas, en Gironde, fut longtemps utilisée pour l’attelage en agriculture, grâce à sa robustesse. La montée en puissance de la mécanisation, à partir des années 1940, contribua néanmoins à réduire les effectifs, qui passèrent de 60000 têtes à une petit millier 30 ans plus tard. Aujourd’hui, la race est élevée à une seule finalité bouchère, puisque la viande du bœuf gras de Bazas jouit d’une excellente réputation gustative.
L’origine du pottok, emblématique du Pays basque, remonte à la nuit des temps. Ce petit cheval rustique, habitué à la vie en altitude sur les massifs montagneux, a vu sa population baisser en raison du morcellement de ses espaces naturels. Sauvegardé dès les années 1960, le pottok profite pleinement de sa liberté, même dans le cadre d’un élevage. On estime sa population actuelle à environ 6000 têtes.
Pour sa part, le mouton landais a forcément contribué à l’image d’Épinal du berger revêtu d’un gilet de laine et surveillant son troupeau du haut de ses échasses. Pourtant, ses effectifs ont fondu comme neige au soleil au 19e siècle après le déploiement du vaste programme de boisement des Landes, souhaité par l’empereur Napoléon III. L’élevage disparaît au profit de nouvelles activités plus lucratives, à l’instar du gemmage ou de l’exploitation du bois. En 1965, on considère que la race a quasiment disparu. Dix ans plus tard, les quelques souches conservées par les éleveurs et le Parc Naturel des Landes de Gascogne ont permis de relancer l’espèce, qui compte 3000 moutons aujourd’hui.
Enfin, le dindon gascon (ou Noir du Gers) a bien failli disparaître lui aussi, indélicatement remplacé par des animaux issus d’élevage industriel. Très répandu dans le Sud-Ouest, il a longtemps constitué un mets de choix grâce à son environnement fermier et à son alimentation naturelle. Heureusement, il a été possible de reprendre l’élevage à partir de trois souches anciennes retrouvées par les équipes du Conservatoire des Races d’Aquitaine.
Pérenniser l’action du Conservatoire
La sauvegarde des races d’Aquitaine suppose un retour aux méthodes d’élevage traditionnel, plus respectueuses de l’environnement et moins axées sur les objectifs de production. Le Conservatoire peut d’abord s’appuyer sur un réseau d’éleveurs dévoués. Sa démarche dépend également de l’implication de nombreuses associations, à l’instar du Club du Lapin Chèvre, de l’Association Nationale des Ânes et Mulets des Pyrénées ou de la Maison du Pottok.
Les partenaires, qu’ils soient financiers, institutionnels ou scientifiques, apportent eux aussi leur pierre à l’édifice.
Enfin, le Conservatoire privilégie depuis quelques années l’écopastoralisme, « qui permet de promouvoir des races peu utilisées, car souvent moins adaptées à l’agriculture actuelle. Une grande diversité d’espèces et de races rustiques, locales et/ou à petit effectif est ainsi remise au gout du jour par l’écopastoralisme ».
Parmi les races particulièrement bien adaptées, il convient de citer les vaches landaises et bordelaises, les moutons landais ou encore les chèvres des Pyrénées.
La région dispose de sites naturels proposant un environnement propre à accueillir les animaux. Ainsi, l’étang de Langouarde, situé non loin du Porge (Gironde), correspond bien à l’écosystème des moutons landais. Les animaux contribuent à entretenir les lieux tout en favorisant la diversité de la flore.
Sur le massif du Mondarrain, au Pays basque, ce sont les vaches dites Betizu qui se trouvent fort à leur aise. Vivant en toute liberté, elles font quand même l’objet d’une surveillance étroite pour assurer leur protection. Des panneaux de signalisation ont été installés afin de prévenir les randonneurs de la présence des bovins.
Les marais de Plata accueillent pour leur part deux poneys landais. Fournis par le Conservatoire, les équidés suivent la délicate mission d’entretenir les zones humides de la lande tourbeuse. Au programme : nourriture abondante, paysages magnifiques et sentiment de liberté. Une vraie revanche pour cette race, dont la population a fortement chuté depuis le 19e siècle.
Pratique : Adresse et contact : Conservatoire des Races d’Aquitaine – 6, rue Massena – 33700 MERIGNAC – Tél. 05 57 35 60 86 Internet: Site Web – Facebook
Église Sainte-Catherine, les briques de la dévotion
Grâce à son architecture singulière, le célèbre monument de Villeneuve-sur-Lot finit toujours par attirer l’œil des visiteurs, même celui des plus profanes.
Olivier Sorondo 6 mai 2020 – Dernière MAJ : le 14 novembre 2020
La première initiative revient à l’abbé Grenouilheau au milieu du 19e siècle. L’ecclésiastique souhaite en effet construire une nouvelle église en remplacement de celle édifiée à Villeneuve depuis le 13e siècle, qui accuse le poids du temps.
Le projet semble rester dans les cartons pendant quelques décennies, avant d’être repris par Georges Leygues, député de la circonscription puis ministre. Passionné d’art et de littérature, attaché à sa région natale, ce dernier sollicite Jules-Édouard Corroyer, architecte des Monuments historiques et élève de Viollet-le-Duc, pour dessiner les plans.
Le style néogothique envisagé dans la première mouture du projet est abandonné au profit du romano-byzantin. L’architecte n’hésite d’ailleurs pas à faire preuve d’audace dans ses choix. Il privilégie ainsi la brique industrielle locale, impose des planchers métalliques et même un dallage en ciment !
Le chantier débute en 1898 et se poursuit pendant près de 40 ans. Sa supervision revient à Gaston Rapin, architecte de la ville, après la mort de Corroyer en 1904. Rapin s’écarte un peu des plans originaux pour apporter des notes plus régionales à la décoration du porche et du clocher.
En 1909, Georges Leygues, qui vient d’hériter d’une somme importante, finance la poursuite du chantier, soumis à une nouvelle interruption lors de la Première Guerre mondiale.
L’église est consacrée en 1937. Depuis cette date, elle participe pleinement à l’identité de Villeneuve-sur-Lot.
Un plan inspiré des basiliques du haut Moyen-Âge
Le monument se compose d’une nef à bas-côtés entourée de chapelles en hémicycle. « L’économie du plan est simple, épurée, efficace, dégageant un ample espace lumineux et monumental. L’harmonie se joue sur les rythmes ternaires, la géométrie des cercles, la polychromie des matières » peut-on lire dans l’excellent guide du Lot-et-Garonne publié aux éditions Le Festin.
Les chapiteaux sont sculptés par Antoine Bourlange, l’artiste s’inspirant de ceux des églises de Moissac et de Toulouse.
À l’extérieur, la voussure blanche du portail se détache nettement de la façade orangée, selon une esthétique agréable à l’œil et plutôt chaleureuse.
Bâti en 1911, le clocher apporte sans nul doute cet aspect monumental au bâtiment. Haut de 55 mètres, et bien visible de la campagne environnante, sa partie supérieure adopte une forme octogonale, à l’instar du clocher de la basilique Saint-Sernin de Toulouse.
Vitraux 100% d’origine
C’est l’une des forces, mais aussi l’une des incongruités, de l’église Sainte-Catherine. Ses vitraux sont ceux de l’ancienne église, récupérés avant la disparition du bâtiment. La modernité du lieu et des matériaux aurait pu supposer la création de vitraux contemporains, mais point du tout. Par honnêteté, il convient de préciser que les trois verrières du chœur reviennent au peintre Félix Gaudin (1851-1930).
Les vitraux Renaissance ont quant à eux été remontés tout le long des bas-côtés. La première série, dite verrière de la Passion, a été réalisée vers 1530. L’identité de l’auteur ne serait pas confirmée, ce qui n’enlève rien à la beauté de son œuvre. On y découvre, entre autres, la flagellation du Christ, sa descente de croix ou l’épisode de la Résurrection.
Les autres vitraux seraient postérieurs, probablement du XVIe siècle. Parmi les quelques représentations, celle des anges ensevelissant Sainte-Catherine mérite une attention toute particulière.
La décoration intérieure de l’église laisse découvrir, en sa nef, une imposante fresque représentant une procession de 70 saints. L’œuvre est réalisée par Maurice Réalier-Dumas, ami de Georges Leygues et lui aussi originaire de Villeneuve.
La procession des saints – Crédit photo: Jacques Mossot
Rapide conclusion
L’église Sainte-Catherine s’impose comme un magnifique monument. Elle est le fruit de la volonté d’un homme politique majeur de son époque, Georges Leygues, soucieux du patrimoine de sa ville et de sa région.
Outre son imposante présence, elle révèle la perception de la religion catholique à la fin du 19e et au début du 20e siècle auprès de la population locale, essentiellement paysanne. Renouvellement d’un lieu saint mieux adapté ? Argument politique ? Sincère implication dans la vie locale ?
Toutes les interrogations sont les bienvenues.
En conclusion, l’église Sainte-Catherine complète fort bien le patrimoine de Villeneuve-sur-Lot, bastide construite en 1264. Le monument impose naturellement sa présence, laissant presque à penser qu’il appartient à la longue histoire de la ville.